Du jardin comme transfiguration paysagère en Occident à la Renaissance

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20 février 2014

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Hervé Brunon, « Du jardin comme transfiguration paysagère en Occident à la Renaissance », HAL-SHS : architecture, ID : 10670/1.e9kq0v


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Cet exposé se propose de cheminer sur cette " troisième voie ", susceptible de dépasser les difficultés ou les apories des approches " extensionnistes " ou au contraire " intensionnistes ", que Philippe Descola invite à explorer à partir de la définition du paysage comme " objet produit ou façonné intentionnellement par des humains afin que, parmi une diversité d'usages possibles - utilitaires, récréatifs, religieux - il fonctionne aussi comme un signe iconique tenant lieu d'autre chose que lui, en l'occurrence une portion d'espace réel ou imaginaire ", et au moyen de la notion de transfiguration, opérée 'in situ' ou 'in visu'. En quoi les jardins répondent-ils en Europe à cette caractérisation, par quels mécanismes et selon quels enjeux, durant la période où est réputée se mettre en place l'acception dite occidentale moderne du paysage, mais aussi le régime dualiste de l'ontologie naturaliste ? Que peuvent apporter les éléments mis en évidence sur un plan historique au projet général d'une interrogation du paysage dans une perspective anthropologique ? L'enquête pourrait être très vaste et l'analyse se limite ici à un repérage sur un " terrain " constitué par l'Italie au XVe et XVIe siècles. Ce sont cinq grandes modalités de transfiguration - essentiellement 'in situ' à l'exception de la dernière - qui sont illustrées et examinées : (1) l'équivalence hétérotopique entre le jardin et " la totalité du monde " (Foucault) suivant le registre de la synecdoque (collections botaniques universitaires comme celle de Padoue), ou celui du " cosmogramme ", par un jeu d'échelles de type cartographique (jardin-mappemonde chez Filarete) ; (2) dans le cas des grottes, la transcription d'un lieu fictif par " topothésie " ou d'un lieu réel par " topographie ", catégories tirées du vocabulaire de la rhétorique et de la poétique ; (3) la réduction symbolique du territoire par le biais de systèmes iconographiques reposant sur la spatialisation de représentations mimétiques, métaphoriques ou allégoriques de l'hydrographie, de l'orographie et de l'hydrogéologie (Castello, villa d'Este à Tivoli, villa Lante à Bagnaia et Pratolino) ; (4) la transposition et éventuellement la miniaturisation dans les jardins de la morphologie d'un agrosystème, la 'mezzadria poderale', mode de polyculture intensive fondé sur un maillage dense du parcellaire rural par le réseau des chemins et fossés, sur l'association de strates herbacées et ligneuses dite 'coltura promiscua' et sur l'aménagement de structures boisées à forme géométrique et à fonction cynégétique telle que la 'ragnaia' ; (5) enfin des dispositifs de mise en scène ou de cadrage de la vue depuis le jardin sur son extérieur, qui semblent explicitement s'inscrire dans le schème paysager ayant dominé la culture occidentale de la Renaissance jusqu'au XXe siècle, celui qui repose sur le " paradigme pictural ", selon lequel une portion d'espace saisie par le regard serait assimilable à une peinture (villa Médicis à Fiesole, villa d'Este). On suggère pour conclure que ces modalités de transfiguration paysagère ont dérivé en partie de modèles issus de la culture antique et qu'elles ont presque toujours été mises en œuvre en fonction non pas tant de visées politiques précises que d'une ambition générale assignée au jardin : à la fois figurer le monde et incarner un pouvoir sur le monde et sur l'homme. Il semble bien qu'en Occident, pour reprendre la formule qu'avançait Pierre Grimal en 1968 à l'aide de l'idée même d'une instance autonome, d'une logique de l'être ou du devenir conceptuellement séparée ou en tout cas séparable de l'action anthropique, " un jardin commence dès l'instant où une volonté humaine impose une fin immédiatement sensible aux "objets naturels", c'est-à-dire à ce qui naît, croît et meurt selon les lois de la 'nature' ".

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