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Amélie Vialet et al., « Moulin-Quignon et Homo heidelbergensis. Contextes épistémologiques et enjeux taxinomiques », HAL SHS (Sciences de l’Homme et de la Société), ID : 10.1016/j.anthro.2021.102898
En 1863, lorsqu’une mandibule humaine est découverte dans la carrière de Moulin-Quignon (Abbeville, Somme), elle contribue à la démonstration de Jacques Boucher de Perthes (1788–1868) prouvant l’existence d’un homme antédiluvien, artisan des bifaces récoltés à plusieurs mètres de profondeur, juste au-dessus du substrat de craie. Cette découverte est cependant rapidement mise en doute sur le plan archéologique ce qui finira par disqualifier jusqu’au site lui-même et les industries qu’il avait livrées. Le ré-examen récent de ces fossiles mis au jour en 1863 (une mandibule) et en 1864 (28 ossements et dents) conservés aujourd’hui au Muséum national d’Histoire naturelle (musée de l’Homme) a permis de confirmer leur attribution à Homo sapiens. À la lueur des connaissances actuelles, cette attribution est incompatible avec la dite provenance stratigraphique de ces restes anthropologiques. L’âge du niveau est maintenant estimé entre 670–650 000 ans alors que des datations directes de ces ossements par le radiocarbone les font remonter à une période historique, entre le XIIIe siècle et le XVIIIe siècle, ce qui confirme leur nature intrusive dans le gisement. Après avoir rappelé ces découvertes et redécouvertes, nous nous demanderons quel est l’Homme qui aurait pu être celui de Moulin-Quignon. Ce sera l’occasion d’un bilan, dans le contexte des bouleversements taxinomiques des années 1950–60, sur l’évolution humaine en Europe occidentale au Pléistocène moyen où les récentes découvertes attestent d’une importante variabilité parmi les Homo heidelbergensis dont certains sont déjà fortement engagés dans la lignée néandertalienne. Cette rétrospective suivra volontairement le cours des recherches en paléo-antropologie tout au long du XXe siècle de façon à faire ressortir, au grè des découvertes, les changements de paradigmes et de pratiques.