Qualifier les blessures. Ethnographie de la catégorisation médico-légale en Inde du Nord

Résumé En Fr

At what cost has medicine become the systematic reference in judicial proceedings for the evaluation of bodily harm ? What happens when doctors examine bodies without being authorised to treat them ? Although the strong institutional basis of forensic medicine seems to indicate that these questions are secondary or have already been dealt with, this article shows that they deserve to be taken seriously. With this in mind, I examine the work of injuries categorisation in forensic medicine. Drawing on court records and a series of empirical situations observed during a twelve-month investigation in three North Indian public hospitals, I explore how the ordinary practice of forensic medicine transforms the meaning of both medical and legal categories for describing injuries. The cases studied focus on the process of assessing the seriousness of injuries. They highlight the investigative strategies and rhetorical effects that enable forensic doctors to influence the judicial interpretation of their findings, in a logic largely inspired by their experience as health practitioners and exceeding the mere definitions provided by the Indian Penal Code. This work thus contributes to a better understanding of the relationship between medicine and law, and particularly of the way in which forensic medicine enables their reciprocal augmentation.

À quel prix la médecine devient-elle la référente systématique de la justice dans le travail d’évaluation des dommages corporels ? Que se passe-t-il lorsque des médecins examinent des corps sans être autorisés à les soigner ? Même si le solide ancrage institutionnel de l’expertise médico-légale semble indiquer que ces questions sont secondaires ou déjà résolues, cet article montre au contraire qu’elles méritent d’être prises au sérieux. Dans cette optique, je me penche sur le travail de catégorisation des blessures. En m’appuyant sur des archives judiciaires et sur une série de situations empiriques observées lors d’une enquête de douze mois dans trois hôpitaux publics d’Inde du Nord, j’explore la façon dont la pratique ordinaire de la médecine légale transforme la signification des catégories médicales et juridiques de description des blessures. Les cas étudiés portent notamment sur le processus d’évaluation de la gravité. Ils mettent en lumière les stratégies d’enquête et les effets rhétoriques qui permettent aux médecins légistes d’influencer l’interprétation judiciaire de leurs résultats, dans une logique largement inspirée par leur expérience de soignants et dépassant le simple cadre des définitions fournies par le Code pénal indien. Ce travail contribue ainsi à une meilleure compréhension des rapports entre médecine et droit, et du rôle de l’expertise médico-légale dans leur enrichissement mutuel.