2018
Cairn
Catherine Kintzler, « L’Illusion de Pierre Corneille. L’optique philosophique et le temps de comprendre », Revue de métaphysique et de morale, ID : 10670/1.eucy65
L’Illusion de Pierre Corneille se présente comme une expérience critique vécue en même temps par les personnages et les spectateurs : seule la scène, dans son dispositif parlant, optique et temporel, peut la déployer. C’est une leçon de choses sur la possibilité et la dissipation de l’illusion comme phénomènes conjoints. En comprenant le mécanisme de l’illusion, on découvre qu’on avait toujours eu tout, depuis le début, sous les yeux : ainsi, comprendre, c’est comprendre pourquoi on n’avait pas compris. Le dispositif théâtral est lui-même un objet méditatif, une cristallisation de pensée inséparable de deux dimensions constitutives du théâtre. D’abord la scène, à la fois dans ce qui la sépare et la relie à la salle et dans sa profondeur. Ensuite la temporalité. Car c’est le temps second qui, par sa rétroactivité, fait surgir la configuration morale : le sentiment qu’il aurait fallu voir. La pièce est finie au moment où, une fois la profondeur déployée, toute la durée traversée jusqu’à ce moment vient se précipiter dans le seul instant qui vaut : celui de l’intellection. Dans cette pièce rigoureusement classique, l’esthétique « baroque » est mise en abyme et en dérision, renvoyée à sa platitude, puis elle est réordonnée par l’économie de la vision à d’autres principes plus simples d’intelligibilité.