15 septembre 2017
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De francesco Antonino, « Traduire pour stabiliser. L’exemple des ouvrages américains parus en français à la veille de la République, printemps-été 1792 », HAL-SHS : histoire, philosophie et sociologie des sciences et des techniques, ID : 10.4000/lrf.1780
La naissance d’une culture politique révolutionnaire s’est beaucoup appuyée sur le propos de développer un lexique nouveau se fondant sur la diffusion de traductions, dont le but n’était pas simplement de favoriser la circulation des idées. Un processus d’adaptation au contexte de publication caractérise en fait ces initiatives, qui se révèlent donc entièrement dépendantes de la conjoncture politique. C’est dans ce cadre de lecture qu’il convient d’inscrire la parution, dans la France révolutionnaire à la veille de la République, d’ouvrages concernant la politique américaine, tels que le texte de John Adams A Defence of the american constitutions et le recueil d’essais de Hamilton, Madison et Jay intitulé Federalist. Publiées par le même éditeur parisien entre le printemps et l’été 1792, ces deux traductions participent d’un même projet politique fayettiste, pourvu qu’elles font référence au modèle bicamérale américaine pour réclamer une révision de la constitution de 1791. Il serait donc fallacieux de déduire que la traduction du Federalist s’inscrivait dans le cadre de l’identité républicaine du nouveau système politique américain. En France, dans les cercles des feuillants proches de La Fayette, l’ouvrage incarnait par contre la possibilité de stabiliser une monarchie libérale qui semblait en proie à l’initiative des jacobins. La traduction du Federalist fut en effet l’œuvre de plusieurs hommes, chargés de proposer dans le nouvel langage révolutionnaire l’originalité politique américaine. Comme le prouve le nombre de variations, dans la traduction, de l’expression originale « federal government », ces hommes ne partageaient pas du tout le même imaginaire politique et réagirent par conséquent d’une manière bien différente au défi du nouveau langage politique. Ainsi, ces changements lexicaux attestent de l’existence d’un réseau à la base de cette opération et, surtout, de l’influence du politique dans le renouvellement du vocabulaire.