12 décembre 2015
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Stéphanie Mateu, « Intimisme et identité dans l’œuvre picturale de Santiago Rusiñol i Prats, peintre catalan (1861-1931) », HAL-SHS : littérature, ID : 10670/1.ex7753
Ce travail de recherche met en perspective la trajectoire picturale de Santiago Rusiñol i Prats (1861-1931) afin de révéler les traces de la socialité, à l'aide de la méthode analytique qu'offre la sociocritique. Ces tensions sociales ne sont pas reflétées dans le texte culturel, mais sous-tendent sa structure. La lecture sémiologique de ses œuvres picturales, surtout de ses œuvres intimistes et de ses jardins, permettent de détecter la présence des référents culturels communs à la mémoire collective catalane dans ses tableaux. Tenter de saisir cette nouvelle lecture de ses œuvres implique une étude approfondie dans le passé et donc, dans l'héritage socio-historique et culturel que reçoivent les individus en Catalogne, afin de débusquer par la suite l'idéologique présent structurellement, et transmis de manière non-consciente par l'artiste.Un aspect de la société catalane présent à tous les niveaux va être retranscrit dans la production artistique de Santiago Rusiñol : il s'agit de l'intimisme comme valeur de construction identitaire basée sur l'idée de l'importance de l'environnement domestique catalan, mais également, à un niveau davantage émotionnel, sur l'idée du « bien chez soi », sans pour autant signifier un repli sur soi, mais plutôt en célébrant la vie casolana1 comme symbole et rappel de la figure de l'homme catalan pagès2, empli de sagesse et en communion avec sa terre. Comprendre la dimension de l'intime dans l'imaginaire collectif catalan implique une recherche tant au niveau de la valeur et des types de foyers et de familles (au sens large) en Catalogne, mais également de déterminer un cadre théorique pour délimiter une définition de « l'intime » en art assez stable pour pouvoir comprendre les interrelations entre la valeur sociologique de l'intimisme en Catalogne et/ou à Barcelone, et son apparition sous-jacente dans l’œuvre picturale.Ce concept d'intimisme est donc décelable dans l'art de Santiago Rusiñol, qui parvient à l'exprimer tout en ayant importé, avec son acolyte Ramon Casas, les traces de l'impressionnisme parisien lors de leur séjour à la fin des années 1880. Force est de constater que ce flux artistique, provenant de Paris et ayant subi une métamorphose au travers de la main de ces artistes étrangers, est reçu par un public, qui parachève l’œuvre avec son regard. La problématique alors consiste en l'analyse du transfert de cet art vers l’œil du spectateur barcelonais, puis il s'agit de déceler si cet art prend un caractère emblématique, mais aussi revendicatif. Pour cela, la sémiologie visuelle est un outil d'analyse qui permet de dévoiler les signes qui convergent et créent un sens propre au contexte de la société catalane. Le but de l’œuvre dépasse alors celui de la simple contemplation pour devenir explicitement signifiante, à travers notamment l'apparition d'intertextes dans les œuvres qui résonnent dans la conscience collective catalane. L'artiste est alors un passeur : un passeur d'images, un passeur de messages, d'idées, un passeur qui secoue la société toute entière afin de la révolutionner et de la faire renaître. Par là-même, il accélère le processus d'évolution de cette dite société. Le fil du raisonnement nous conduira donc en toute logique à la question de la réception des œuvres aujourd'hui, en étudiant donc leur transcendance historique. Ainsi, et à la vue de ces données, il convient de répondre à la problématique qui vise à mettre à jour les moyens par lesquels l'art de Santiago Rusiñol, inscrit dans le mouvement moderniste, parvient à participer à l’élaboration d'une re-construction identitaire catalane, d'abord au XIXe siècle, mais également dans la Catalogne actuelle, en faisant appel à des signes qui interpellent les sujets transindividuels catalans, à des référents culturels communs qui sollicitent et réactivent la mémoire collective.