Le changement climatique est-il absent de la réflexion des agriculteurs ?

Résumé Fr

Malgré des signes de plus en plus inquiétants en ce qui concerne l’évolution du climat, la littérature a tendance à souligner une faible perception du changement climatique de la part des agriculteurs (Teil, 2020). Soit qu’il représente une préoccupation secondaire face à d’autres enjeux, notamment économiques, soit que les évolutions climatiques sont perçues comme cycliques, et que leur gestion relève d’une composante du métier d’agriculteur (Hochedez and Leroux, 2018; Teil, 2020; Sautier, 2013).Mais, qu’en est-il dans le Rhin Supérieur ? Dans cet espace transfrontalier, partagé entre France, Allemagne et Suisse, le changement climatique est-il lui aussi absent des préoccupations des agriculteurs ?. La question de la présence ou de l’absence de préoccupations liées au changement climatique chez les agriculteurs est particulièrement pertinente dans cette région, et ceci pour trois raisons : d’abord, le Rhin Supérieur constituerait un hot spot du changement climatique (Riach et al., 2019) où ses conséquences pourraient être plus sensibles qu’ailleurs ; ensuite, c’est une région agricole particulièrement dynamique : la filière grandes cultures est, par exemple, une des plus productive au monde et les vins du Fossé Rhénan ont acquis une renommée internationale.; enfin, cet espace transfrontalier nous offre la possibilité d’effectuer des comparaisons entre les filières comme entre les pays. Pour répondre à ces questionnements, nous avons interrogé les acteurs de deux secteurs agricoles clés de cet espace (grandes cultures, viticulture), dans le cadre du programme Interreg Clim’Ability Design, visant à les aider à s’adapter aux conséquences du changement climatique. Une proportion significative d’agriculteurs a répondu favorablement à une demande d’entretien (31 entretiens pour 30 refus), alors même que le calendrier (mars-mai 2021) coïncidait avec le début des gros travaux au printemps. Ce résultat montre qu’un nombre conséquent d’agriculteurs accorde suffisamment d’importance au changement climatique pour consacrer du temps aux entretiens. À l’inverse, les refus s’avèrent eux aussi être riches d’enseignements, en termes de localisation, d’activités et d’arguments. Cette communication s’interrogera donc sur les causes et la dimension spatiale de l’absence ou non de préoccupation face aux conséquences du changement climatique, à partir d’une comparaison transfrontalière et trans-sectorielle. Au-delà, cela nous permettra également d’interroger la présence ou l’absence de stratégies d’adaptation et de réseaux de partages des bonnes pratiques (notamment en contexte transfrontalier), entre transformation radicale des pratiques, simple sélection variétale en amont, ou aveu d’impuissance (« on ne peut pas faire grand-chose »). Une attention particulière sera apportée aux freins ou aux effets accélérateurs du cadre géo-légal (Garcier, 2009; Santoire et al., 2020) associé aux activités agricoles dans cet espace tri-national.