2023
Cairn
Aude Farinetti, « Exclusif versus commun : une guerre d’affects », Revue juridique de l’environnement, ID : 10670/1.f3kdwk
On s’attend spontanément à ce que le droit, et singulièrement l’attribution d’un statut juridique, soit le résultat d’arguments de raison. C’est sans compter l’influence des affects sur le législateur. Lorsque l’on se penche sur les débats parlementaires qui ont précédé l’adoption du Code civil (et la consécration de la propriété exclusive) ou l’attribution du statut de « patrimoine commun » à divers éléments de notre environnement, on constate que les affects ont joué un rôle non négligeable dans les choix opérés. Ainsi, la reconnaissance d’un droit de propriété exclusif dans le Code civil s’opère à la faveur d’une idéalisation de la propriété exclusive (en tant que voie du bonheur et que condition de la civilisation) tandis que le commun est redouté comme synonyme d’arbitraire voire de sauvagerie. À l’inverse, l’attribution du statut de « patrimoine commun » est le résultat d’une neutralisation des affects tristes suscités par la référence à la propriété (que l’on craint de remettre en cause), d’une part, et aux communs (qui émergent comme une solution face aux conséquences néfastes de l’appropriation exclusive), d’autre part. Il est également le résultat de l’émergence d’un désir latent et parfois même manifeste, à l’égard du « commun ».