24 juin 2019
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Olivier Crasset, « Advantages and setbacks of autonomy for home helpers in direct employment », HAL-SHS : sociologie, ID : 10670/1.f761fa
En France, le Chèque Emploi Service Universel (Cesu) permet à des particuliers d'employer un salarié dans les services à la personne. C'est une forme d'emploi direct où la personne aidée est l'employeur de son aide à domicile.On propose ici de réfléchir aux conditions de travail des aides à domicile auprès de personnes âgées en questionnant la frontière entre travail salarié et travail indépendant à partir du concept d'autonomie.Entendue au sens large comme la possibilité de se gouverner selon ses propres lois, le concept d'autonomie revêt un sens différent selon qu'il s'applique aux salariés ou aux travailleurs indépendants. Pour les premiers, "l'autonomie est cette capacité à se conduire selon ses propres règles inventées en marge ou contre le système de règles officielles" (De Terssac, 2012 : 49). Pour les seconds, elle caractérise un statut d'emploi où le travail se déroule en dehors du lien de subordination qui caractérise le contrat salarial. Le travailleur indépendant est considéré comme responsable de ses propres conditions de travail. L'emploi direct est une situation d'entre-deuxCette communication s'appuie sur des données élaborées dans le cadre de l'ANR Profam, programme dédié à l'étude des transformations du travail d'aide à domicile auprès des personnes âgées en perte d'autonomie. Elle repose sur une série d'entretiens, sur le dépouillement de petites annonces en ligne et sur quelques observations su travail in situ.On examinera la question de l'autonomie sous les aspects individuel et collectif. L'étude des parcours professionnel et familiaux des aides à domicile en emploi direct montre que la décision de se tourner vers cette forme d'emploi est prise par des femmes qui, après avoir interrompu leur carrière pour se consacrer à l'éducation de leurs enfants, ont repris un activité professionnelle au sein d'une employeuse avant de se tourner vers l'emploi direct. Bénéficiant déjà d'une autonomie importante lorsqu'elles sont employées par une (Devetter et Messaoudi, 2013), elles cherchent à l'étendre en passant en emploi direct. Cette décision est motivée par une volonté d'augmenter l'emprise sur certains facteurs organisationnels (horaires, zone de chalandise), liés à l'activité de travail (tâches proposées) et au revenu (tarifs).Ce calcul s'avère avantageux lorsque l'individu dispose d'un capital culturel et de compétences acquises au fil du parcours qui peuvent être remoblisées dans le cadre du travail auprès des personnes âgées. Ces femmes sont alors en situation d'imposer leurs conditions à leurs employeurs. Vivant leur travail sur le mode de l'indépendance, elles parlent plus volontiers de clients que d'employeurs.A l'inverse, celles qui ne disposent pas de tels atouts éprouvent des grandes difficultés à trouver un emploi et, lorsqu'elles y arrivent, sont en situation de dominée face à leurs employeurs.Un autre facteur semble décisif et sources de fortes inégalités, c'est l'inscription dans des réseaux de sociabilité qui constituent la dimension collective de l'autonomie. C'est sur le mode de la collaboration et de l'entraide que se constituent des coteries, petits groupes de pairs fondés sur le partage d'intérêts communs. Une inscription longue sur le territoire alliée à des formes de sociabilité féminine permettent de faire valoir un capital d'autochtonie. Ces coteries rassemblent le plus souvent un faible nombre d'individus se rendant mutuellement des services fournis habituellement par les s employeuses, tels que les remplacements. La dimension collective de l'autonomie, peu étudiée jusqu'ici mais néanmoins attendue, apparait comme un facteur de réduction des inégalités sociales en ce qu'elle apporte certains avantages tels que l'information sur des droits des salariées et la capacité à les faire valoir.Pour les personnes concernées, le passage à l'emploi direct permet d'élargir l'autonomie pour se défaire de contraintes liées au travail en structures. Certaines arrivent à améliorer leurs conditions de travail et vivent leur situation sur le mode du travail indépendant. Pour autant, elles souhaitent continuer à bénéficier d'une certaine sécurité liée au statut de salariée, même si elles éprouvent des difficultés à faire valoir leurs droits. D'autres peinent à trouver des employeurs et se retrouvent à leur merci. Au final, on observe que l'organisation collective tempère dans une certaine mesure les inégalités liées au versant individuel de l'autonomie.