Retrait des dieux et modernité selon Novalis et Hölderlin

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2016

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Françoise Dastur, « Retrait des dieux et modernité selon Novalis et Hölderlin », Les Études philosophiques, ID : 10670/1.f793s5


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L’exigence qui anime toute la fin du xviii e  siècle en Allemagne est celle d’un renouvellement du christianisme et d’une nouvelle conception du divin. Le fameux poème de Schiller, « Les Dieux de la Grèce », montre en effet que, par opposition au monde grec où les dieux partageaient la vie des hommes, dans la modernité, il a été mis fin, avec le christianisme, à la présence immanente de Dieu dans le monde, le Dieu-un n’étant plus accessible qu’à travers la médiation du corps mort du Christ. – Deux interprétations différentes peuvent être cependant données de ce retrait du divin, comme c’est le cas chez ces admirateurs de Schiller que sont Novalis et Hölderlin. Novalis, pour lequel l’incarnation de Dieu dans le Christ constitue l’élément central de la religiosité, situe la mort des dieux dans la Réforme, événement qui a détruit le lien de l’homme avec Dieu, car elle a préféré la lettre à l’esprit. Pour Novalis, qui appartient à cette période du premier romantisme, où poètes et philosophes s’ouvrent à l’Orient, il s’agit au contraire de promouvoir une union du panthéisme et du monothéisme, qui permettra, dans un christianisme renouvelé, de retrouver Dieu partout. C’est ce qui conduit Novalis à l’idée que, dans la nuit christique de la modernité, une transfiguration est possible, permettant à l’homme de s’unir à nouveau au divin. Hölderlin, qui partage la même nostalgie des dieux enfuis, ne songe cependant pas à une renaissance du christianisme, mais cherche plutôt à montrer qu’il est possible, dans cette nuit qu’est la modernité, de voir encore régner le sacré. Pour lui, les figures des dieux sont les libres créations poétiques des hommes dans lesquelles ceux-ci se donnent à voir l’essence même de ce qui constitue leur vie. – La modernité, où le divin est séparé de la réalité, où le caractère poétique de celle-ci n’est plus expérimenté et où se fait sentir le manque des noms sacrés, est donc de temps de la détresse où seuls les poètes peuvent garder la mémoire des dieux enfuis. Mais ce qu’il s’agit alors de retenir en mémoire, c’est le retrait des dieux lui-même, et donc, pour les Modernes, de parvenir à comprendre que l’expérience qu’ils font d’être séparés du divin est précisément l’unique rapport possible à celui-ci.

The prevailing intellectual task in the whole end of the xviii th century in Germany is the renewal of christianism and the development of a new conception of divinity. Schiller’s famous poem, “The Gods of Greece”, shows indeed that, whereas in the Greek world the gods shared the life of men, in modernity, christianism put an end to God’s immanent presence in the world, the One-God being only present through the mediation of Christ’s dead body. – However, we can give two different interpretations of that withdrawal of the divinity, which are to be found for instance in Novalis and Hölderlin’s work, who both admire Schiller. Novalis, who considers that the incarnation of God in Christ represents the key word of religion, holds the Reformation responsible for the gods’death, since it destroyed the relationship between men and God, as far as it prefered the letter to the spirit. According to Novalis, who belongs to the first Romantic generation, in which poets and philosophers open their mind to the Orient, a blending of pantheism and monotheism must be promoted, which, as a renewed christanism, would enable to find God everywhere. Such an idea makes Novalis think that, in the Christological night of modernity, a kind of transfiguration is possible, thanks to which men could unite with the divinity. Hölderlin, who feels nostalgic for the vanished gods as well, yet does not call for a renewal of christianism but instead aims at showing that we are able to see the sacred still reigning in the night of modernity. According to him, the gods’figures are the free poetical creations of men in which they express the essence of their own life. – Modernity, in which the divinity and the reality are separated, in which the poetical dimension of the last one is no more a matter of experience and in which we can feel the lack of holy names, is therefore a time of distress in which only the poets can keep in mind the memory of the gods who ran away. But what must be remembered is then the gods’withdrawal itself, and thus modern people must understand that the experience of the separation from the divinity is indeed the only possible relationship they can establish with it.

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