http://hal.archives-ouvertes.fr/licences/etalab/ , info:eu-repo/semantics/OpenAccess
Grégor Marchand et al., « Modèles de mobilité humaine et cycles environnementaux au cours du Mésolithique dans l'ouest de la France : Études interdisciplinaires croisées sur le site coquillier de Beg-Er-Vil », HAL SHS (Sciences de l’Homme et de la Société), ID : 10670/1.f86e1d...
Les mobilités humaines observées actuellement à l’échelle mondiale sont variées. Si certaines semblent bien rodées et calées sur des migrations saisonnières, comme l’attrait pour le soleil, voire pour des températures plus modérées, les bouleversements climatiques comme l’aridification de certaines zones du globe ou les conflits politiques montrent que les mobilités sont régies par une imbrication de déplacements à la fois individuels et collectifs, cycliques et exceptionnels. Certains évènements observés à l’échelle de nos vies humaines comme la mort massive de nos ainés liée à une canicule nous rendent humbles devant l’objectif fixé. Dès lors que que l’on garde à l’esprit ces exemples, la complexité à aborder le rythme d’occupation d’un habitat préhistorique est posée. C’est le challenge que nous nous sommes fixé à partir d’un site archéologique, largement imprégné des effluves iodés qu’est l’amas coquillier mésolithique de Beg-er-Vil (Quiberon, Mrobihan). Une de ses spécificités est son lien intime avec les environnements marins, que ce soit du point de vue de son implantation en contexte côtier, des matières premières ou des ressources alimentaires que ses occupants ont exploitées. Il est également un des rares habitats côtiers du Mésolithique côtier où les restes de faunes variés (mammifères et oiseaux marins et terrestres, poissons, mollusques, crustacés) sont conservés au côté d’une industrie lithique homogène. Ce dernier point est crucial pour cette période car nombreux sont les sites du Mésolithique aux industries mélangées reflets de passages successifs qu’il ne nous est pas possible de différencier. Avec ces quarante centimètres de couche coquillière Beg-er-Vil fait figure d’exception. D’autres sites auraient pu être de bons candidats, comme les amas coquilliers de Téviec ou d’Hoedic aussi localisés dans le Morbihan. Malheureusement, l’ancienneté de leurs fouilles, à un moment où la couche de coquille n’était considérée que comme du sédiment a gommé nombre d’informations spatiales, stratigraphiques mais aussi la diversité des vestiges archéologiques. La prise en compte dès la fouille de Beg-er-Vil de son caractère exceptionnel nous a amenés à multiplier les observations de terrain qui n’ont eu que de cesse d’évoluer au fur et à mesure du développement même des disciplines de l’archéologie sur le temps court des fouilles qui a été de 6 ans et le temps long de la post-fouille qui à l’instar de Téviec et Hoedic à encore de nombreuses années devant elle. Beg-er-Vil ne se résume pas à son amas coquillier. Nos investigations à proximité de ces zones d’accumulation de déchets et de vie ont mis au jour l’existence de huttes témoignant de l’extension d’un site archéologique dont nous ne pouvons observer que des bribes. Cette vision partielle du site est importante, car elle est aussi visible dans les paysages actuels dans lesquels s’est implanté cet habitat préhistorique.En effet, si Beg-er-Vil subit actuellement les assauts de la mer, il était sans doute légèrement en retrait du trait de côte lors de son fonctionnement. Si les modèles de reconstitution des paléoenvironnements sont accompagnés de marge d’erreur, il nous a semblé opportun de rappeler le rythme du morcellement des îles à l’échelle de l’ouest de la France et les modifications du trait de la baie de Quiberon induits par la remontée du niveau de la mer. En effet, ces modifications changent les distances d’un site à l’autre, mais aussi celle de Beg-er-Vil aux lieux de pêche, de collecte, de cueillette et de chasse. Ces distances sont un lien étroit avec la temporalité qui nous intéresse ici dont celle des déplacements liés à l’accessibilité des ressources minérales, animales et végétales exploitées.Une fois ce cadre géographique posé, l’ensemble des artefacts composant l’amas coquillier est disséqué. Il témoigne à la fois des exploitations multiples de l’océan Atlantique par les pêcheurs-chasseurs-cueilleurs de Beg-er-Vil mais aussi de celles de milieux plus boisés avec des ressources d’affinité terrestre qui vont du gros gibier aux fruits à coque en passant par le ramassage du bois pour se chauffer, cuire sa nourriture mais aussi sans doute pour s’abriter. L’amas coquillier est central dans la description de la multiplicité de ces activités. Il est un agrégat de déchets où coquilles se mêlent aux charbons, ossements, éclats de silex… Chacun de ces artefacts est interrogé du point de vue de son accessibilité géographique et temporelle pour tenter d’y déceler les parcours et les rythmes des occupants de Beg-er-Vil nécessaires à la pêche, la cueillette et la collecte voire le ramassage de ces ressources. A cette accessibilité théorique des ressources animales basée sur l’actualisme, d’autres instantanés sont recherchés comme par exemple la saison de collecte de certains coquillages abordée via la sclérochronologie. Pour le silex la question de la temporalité peut être approfondie en prenant en compte la diversité des outils taillés et confrontée aux modèles existants. Parmi les artefacts majeurs de la temporalité, les charbons sont centraux. Ils ont fait preuve d’une sélection méticuleuse pour mieux comprendre l’évolution du site au cours du temps. Les datations radiocarbones sont ainsi confrontées à la lecture stratigraphique de terrain. Elles aident à mieux comprendre la succession de l’utilisation de certaines structures comme les foyers ou fosses par exemple. Certaines de ces datations sont inédites, elles ont été multipliées pour tenter de déceler des phases d’occupation sur un site qui peut frapper par l’homogénéité de son industrie lithique.Enfin, pour tenter d’approcher le rythme d’occupation de Beg-er-Vil (continuité, succession d’occupation) les archives sédimentaires sont interrogées. Elles permettent de nous donner une vision renouvelée du rythme de formation et d’occupation d’un des rares sites de la toute fin du Mésolithique côtier le long de notre actuel littoral atlantique français. Beg-er-Vil représente un maillon infime de ce que pouvait être la diversité des occupations du littoral du second Mésolithique. L’approche interdisciplinaire proposée permet d’aborder le rythme d’occupation des derniers pêcheurs-chasseurs-cueilleurs à des échelles variées.