2020
Cairn
Martine Derzelle, « Cancérologiquement correct », Psychosomatique relationnelle, ID : 10670/1.f8ujrp
Une certaine conception du langage s’est progressivement imposée sur le plan institutionnel et dans la littérature scientifique pour produire une vision univoque de la santé : véritable « police des mots », elle emploie le détour de mots d’ordre, de slogans, de stéréotypes et de sentences péremptoires. La cancérologie, les soins palliatifs et la douleur (chronique) en sont des déclinaisons paradigmatiques. Ce qui disparaît dans cette opération langagière, c’est tout à la fois le négatif constitutif de la pensée en même temps que la place faite à l’irréparable, à l’irréductible. Ce qui disparaît en dernière analyse, c’est l’homme « ontologique » au point d’être sommé même, dans des versions extrêmes, de « réussir sa mort », telle une performance. Notre hypothèse est que c’est d’un « colmatage » dont il s’agit : en un temps de « malaise dans la symbolisation », où prévaut une retraduction par la logique technologique et gestionnaire, les énoncés de la pensée « commune » colmatent le vide. Comme si, ayant tout perdu, nous n’avions plus que « ce peu de mots pour trouver du commun ». Reste à s’interroger sur l’éventuel effet d’aliénation de ce discours chez tous ceux qui s’y trouvent exposés (patient, soignant, proche).