2011
Cairn
Selma Mokrani Barkaoui, « Henry James's America : “The Historic Desert” in Quest of the “Historic Mausoleum” », Revue française d’études américaines, ID : 10670/1.f99bcf...
On a toujours opposé le mercantilisme américain à la virtuosité culturelle européenne; érigé en norme, le contraste entre l’artificialité de l’un et l’originalité de l’autre a donné naissance à une géographie imaginaire des hiérarchies culturelles. Cette manière de voir a eu pour effet de légitimer la croyance que l’Amérique ne disposait pas des ressources nécessaires à la recherche de l’excellence en matière artistique. En tant qu’expatrié, mais aussi comme représentant de la « grande culture », Henry James souligne la supériorité des Européens en procédant constamment à des comparaisons entre les deux rives de l’Atlantique. S’il choisit l’Europe, c’est parce qu’il est convaincu que le génie littéraire est sujet à des déterminations spatiales. Pourtant, lorsque James avance dans The American Scene (1907) que « si l’Europe a jadis été romantique parce qu’elle était différente de l’Amérique, c’est désormais à l’Amérique d’être romantique parce qu’elle est différente de l’Europe », il contraint la critique à repenser en profondeur sa poétique de l’espace. Dans cet article, je me propose d’étudier la manière dont James reformule dans The American Scene les métaphores spatiales qui régissaient depuis longtemps sa vision de l’Amérique. Je tente de démontrer qu’il se transforme en « investisseur affectueux » (« fond investor ») à la sensibilité changeante, et que le climat ambiant en matière d’économie intellectuelle l’incite à conférer aux symboles de la nation américaine une signification compatible avec l’invention de syntaxes spatiales plus « romantiques », clef d’une appréhension renouvelée de sa patrie délaissée. Je cherche aussi à démontrer que, dans le cadre des négociations qu’il mène avec la réalité de l’Amérique, il entreprend de se défaire de ses préjugés raciaux.