Regards experts et regards profanes : confrontation des représentations paysagères à Mayotte

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Département français depuis 2011, imprégné par une culture locale très forte, Mayotte voit progressivement pénétrer au sein de ses différentes institutions et de ses services administratifs, une culture française de plus en plus présente. Le côtoiement de ces deux cultures nourrit les représentations et les imaginaires paysagers, que peuvent avoir les acteurs du territoire, et invite à questionner la diversité des regards composants le paysage.Les recherches réalisées avec les habitants de l’île (cf. présentation de Bidon et al.), soulignent la particularité du paysage habité, vécu, modelé par les usages, les modes de vie, et les représentations des habitants, en évolution constante face au développement rapide de l’île. Ces travaux donnent toute leur importance au regard profane de la population face au paysage « vernaculaire » (Besse, 2003) empreint d’une identité culturelle forte, et invite à questionner et à discuter l’institutionnalisation naissante et récente de la législation paysagère nationale et européenne à Mayotte, peu adaptée à la culture locale.La prise en compte récente de la réflexion paysagère sur l’île, nous invite en comparaison, à interroger le « paysage politique » (Besse, 2003) nourri par le savoir et le regard des experts, structurant, délimitant, valorisant, certains espaces, certains lieux. L’introduction de cette thématique nouvelle sur un territoire en développement, questionne la reproduction du cloisonnement traditionnel des regards experts et des regards profanes. Afin d’apprécier cette différence de regards entre la population et les experts, notre travail d’enquête se livre à comprendre, à travers les discours d’acteurs participant à des projets à l’échelle des collectivités locales, les différentes représentations et interprétations élaborées autour du paysage, et à identifier ce qu’est le paysage pour la population mahoraise, selon les experts. La diversité des regards techniques et politiques, nous permet de discerner la place faite ou pas au paysage dans les projets d’aménagement, la manière dont le paysage est pensé, et l’intégration des représentations des habitants.Le recueil actuel des discours experts, s’élabore à travers des entretiens semi-directifs mis en place sur cinq communes du territoire ayant des projets portant une dimension paysagère. Menés auprès d’un agent municipal, d’un élu, et d’un agent de l’intercommunalité (lorsque celle-ci est impliquée dans le projet) par commune, des bureaux d’étude et de la DEAL, et complétés par la réalisation de parcours commentés, auprès d’un acteur municipal par commune, ils nous permettent d’accéder au paysage construit par les acteurs territoriaux. Les premiers résultats donnent à voir le paysage assimilé à l’environnement, au développement durable, et sa valorisation, un moyen de permettre une plus grande appropriation des lieux par les habitants, un moyen de façonner un cadre de vie agréable. Cette requalification des espaces à travers la qualité paysagère nouvellement recherchée, se construit petit à petit en concertation avec la population, bien que les experts considèrent le paysage comme une notion nouvelle, non ancrée dans les mœurs, et difficile à cerner par les habitants, assimilant le paysage à sa dimension uniquement visuelle. Le travail d’enquête est en cours, et laisse présager une confrontation de regards et d’imaginaires entre les acteurs territoriaux, et entre les habitants et ces derniers. Une analyse plus fine, nous permettra de discerner la spécificité de ces regards paysagers à Mayotte, leur évolution, et leur influence sur les pratiques.