De l'enchantement à la disqualification : trajectoires professionnelles et expériences vécues des ouvriers et ouvrières de l'industrie du saumon en Patagonie chilienne From enchantment to disqualification : professional trajectories and lived experiences of salmon industry workers in Chilean Patagonia Fr En

Fiche du document

Date

27 mars 2024

Périmètre
Langue
Identifiant
Source

Theses.fr

Collection

Theses.fr

Organisation

ABES

Licences

Open Access , http://purl.org/eprint/accessRights/OpenAccess




Citer ce document

Natalia Andrea Briceno Lagos, « De l'enchantement à la disqualification : trajectoires professionnelles et expériences vécues des ouvriers et ouvrières de l'industrie du saumon en Patagonie chilienne », Theses.fr, ID : 10670/1.ff2492...


Métriques


Partage / Export

Résumé Fr En

Cette thèse porte sur les transformations de l’expérience vécue du rapport salarial des ouvriers et des ouvrières de l’industrie du saumon dans l’île de Chiloé, en Patagonie chilienne. Depuis les années 1980, plus d’une dizaine d’entreprises nationales et internationales de salmoniculture se sont implantées dans cette région, contribuant à hisser le Chili au rang de deuxième producteur mondial du saumon après la Norvège. En quelques années, cette industrie a provoqué de profondes transformations non seulement économiques, mais aussi sociales et culturelles sur ce territoire principalement rural où prédominait une économie familiale de subsistance. L’implantation de cette industrie a notamment provoqué une révolution locale caractérisée par le développement rapide d’un salariat de masse organisé autour d’un mode de production capitaliste consacré à l’exportation. Malgré le contexte industriel prospère et la stabilisation contractuelle de la main-d’œuvre, le travail est précaire et se développe dans un climat d’incertitude de différentes natures. Suite à une immersion ethnographique de 6 mois et de la réalisation de plus d'une trentaine d’entretiens auprès des acteurs engagés dans l’industrie du saumon (ouvriers, patrons, syndicats), la thèse s’intéresse aux expériences vécues de la relation salariale des travailleurs dans les usines de transformation de saumon. Elle propose d’explorer ce rapport à l’emploi sous la forme d’un processus. Ainsi, à partir d’une enquête s'étalant sur plusieurs années avec des séjours successifs sur le terrain, ce travail distingue quatre phases de la relation salariale. Ces phases permettent de comprendre les variations du rapport au travail en termes de protection et reconnaissance, ainsi que leur articulation à un emploi stable mais menacé: l’emploi enchanté ; l’emploi « réel » (par opposition au travail prescrit) ; l’emploi adapté ; et l’emploi disqualifié. La trajectoire ouvrière commence par l’enchantement survenu de la possibilité d’amélioration générale de la condition économique et sociale de l’individu et sa famille. Cependant, la contrepartie à ces bénéfices est l’engagement dans des processus de socialisation aux conditions tayloriennes de travail à la chaîne, et de l’apprentissage de la discipline et de la subordination. Cherchant à supporter le travail dans la durée, les travailleurs utilisent des moyens d’adaptation et de résistance pour contourner les tensions et sécuriser leur emploi. Toutefois, avec le temps les ouvriers et ouvrières, usés moralement et physiquement par la pénibilité des conditions de travail et par l’humiliation de l’encadrement, souhaitent se détacher de cette condition salariale, disqualifiée qui se caractérise par le cumul des formes de fragilisation et d’oppression au travail. La thèse montre que la dimension collective des expériences vécues par ces travailleurs donne non seulement la possibilité de définir une séquence socio-historique de transformation de la main-d’œuvre pour les usines mais aussi la définition d’une condition ouvrière éphémère. En utilisant les outils de la sociologie du travail, la thèse propose une sociologie du salariat qui intègre les modes de vie hors du travail. Ainsi, les résultats de cette recherche contribuent à enrichir la réflexion sur les défis contemporains auxquels sont confrontés les travailleurs dans les industries extractives et agroalimentaires, tout en soulignant l'importance de tenir compte des spécificités locales dans l'analyse des transformations du travail.

This thesis focuses on the transformations in the experience of the employment relationship for male and female workers in the salmon industry on Chiloé Island, in Chilean Patagonia. Since the 1980s, over ten national and international salmon farming companies have established in this region, contributing to Chile becoming the second-largest global salmon producer after Norway. In just a few years, this industry has brought about profound changes not only economically but also socially and culturally in this primarily rural area where a family-based subsistence economy was predominant. The establishment of this industry has notably led to a local revolution characterized by the fast development of a mass workforce organized around a capitalist mode of production focused on exports. Despite the prosperous industrial context and the contractual stabilization of the labor force, work is precarious and develops in an atmosphere of various uncertainties. Following a six-month ethnographic immersion and conducting over thirty interviews with individuals involved in the salmon industry (workers, employers, unions), the thesis explores the lived experiences of the workers' wage relationship in salmon processing plants. It proposes to examine this employment relationship as a process. Based on a multi-year research with successive field visits, this work distinguishes four phases of the employment relationship. These phases help understand variations in the relationship to work in terms of protection and recognition, as well as their connection to stable but threatened employment: the enchanted employment; the "real" employment (as opposed to prescribed work); the adapted employment; and the disqualified employment. The workers' trajectory begins with enchantment arising from the possibility of a general improvement in the economic and social condition of the individual and their family. However, the trade-off for these benefits is the commitment to socialization processes under Taylorian conditions of assembly line work and the learning of discipline and subordination. Seeking to endure work over time, workers use adaptation and resistance means to bypass tensions and secure their employment. However, over time, morally and physically worn out by the arduous working conditions and the humiliation from the management, workers wish to detach themselves from this disqualified employment condition characterized by the accumulation of forms of vulnerability and oppression at work. The thesis demonstrates that the collective dimension of the lived experiences of these workers not only provides the possibility to define a socio-historical sequence of labor force transformation for the processing factories but also defines an ephemeral working-class condition. Using tools from labor sociology, the thesis proposes an employment sociology that incorporates lifestyles outside of work. Thus, the results of this research contribute to enriching the discussion on contemporary challenges faced by workers in extractive and agri-food industries, while emphasizing the importance of considering local specificities in the analysis of labor transformations.

document thumbnail

Par les mêmes auteurs

Sur les mêmes sujets