2016
Marcello Angheben, « Les reliquaires mosans et l’exaltation des fonctions dévotionnelles et eucharistiques de l’autel », HAL-SHS : histoire, ID : 10670/1.fihg6l
Une grande partie des objets produits par les orfèvres mosans étaient destinés à orner les autels et à magnifier ses différentes fonctions, à commencer par la célébration de l’eucharistie et le culte des reliques. Cet article tente de montrer comment les images développées sur les retables, les staurothèques et les châsses appartenant à ce corpus évoquent conjointement ces deux fonctions. La présence des reliques a été rappelée par plusieurs scènes de transitus, tandis que la destinée de l’âme détachée de son corps a fait l’objet d’une représentation foncièrement originale sur le retable de Stavelot où saint Remacle est accueilli dans un paradis céleste distinct du royaume des cieux. Et de manière tout aussi exceptionnelle, on a signifié que les reliques étaient destinées à se recomposer en représentant la résurrection des saints au moment du Jugement dernier sur le triptyque de Sainte-Croix de Liège et sur deux des quatre pignons qui flanquaient la châsse de saint Servais à Maastricht. Si ces thèmes demeurent exceptionnels, il en va tout autrement pour les représentations hiératiques du saint qui occupent systématique- ment un des deux pignons des châsses mosanes auxquelles s’ajoutent les exemples rhénans. La comparaison avec les statues-reliquaires suggère que ces images étaient destinées avant tout à servir de support à la dévotion. Ces thèmes hagiographiques cohabitent avec des images interprétables dans une perspective eucharistique, comme le Christ en buste et la croix ou la Crucifixion que combinent régulière- ment les staurothèques. L’examen des textes liturgiques, des livres de l’officiant et des décors d’autel montre que ces images évoquant le Christ glorieux et le Christ souffrant se réfèrent aux rôles de sacrificateur et de victime qu’il remplit simultanément au moment de la consécration. Sur les reliquaires mosans, cette signification est attestée par une remarquable série d’indices visuels : un autel orné de candélabres, des anges entonnant le Sanctus ou transférant les oblats à l’autel céleste, des paradigmes vétérotestamentaires issus de l’oraison Supra quae, l’Église exposant un calice et des anges thuriféraires ou céroféraires. Cette lecture peut également être étendue au retable de Stavelot où une allégorie incarnant Operatio porte un objet assimilable à une pyxide qui renvoie sans doute aux oblats apportés à l’offertoire car Amalaire de Metz les a comparés aux bonnes œuvres. Ces décors d’autel ont donc habilement combiné des thèmes correspondant aux deux principales fonctions de l’autel, et certains programmes comme celui de Stavelot ont peut-être signifié que le culte des saints et leur intercession passaient par le sacrifice eucharistique et la charité pratiquée au moment de l’offertoire.