12 juin 2016
Ce document est lié à :
info:eu-repo/semantics/reference/issn/1718-5556
https://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/ , info:eu-repo/semantics/openAccess
Virginie Lachaise, « Le Théâtre de la mort de Tadeusz Kantor : un « gué secret » entre les vivants et les morts », Conserveries mémorielles, ID : 10670/1.fjwcic
Il serait tentant de placer la totalité du théâtre de Tadeusz Kantor sous le signe de la revenance et de la hantise, tant tout y fait retour : les personnages, les situations, les objets, les espaces, les mots et les sons, presque tous renvoyant à la sphère autobiographique et à l’histoire religieuse et mythologique de la Pologne, pays natal de l’artiste. Dans l’espace clos de sa Chambre de la mémoire et de l’imagination, la scène, dont l’artiste fait une machine à visionner le passé, jaillissent au rythme des « pulsation de la mémoire » l’enfance en lambeaux, les spectres de la famille qui ne se laissent pas oublier, les bribes des anciennes batailles du Théâtre Cricot 2. Ce sont des « clichés », des « empreintes » qui se superposent les uns au autres sur le mode de la répétition et de la variation et dessinent une réalité anamorphique et fugace, à l’image de l’espace mental de l’auteur. Car pour que cet éternel retour s’opère, il faut qu’une instance la désire. Sur le seuil du plateau, c’est Kantor qui se livre, fasciné, à sa pulsion scopique et plonge fantasmatiquement « de l’autre côté » de l’illusion, dans le passé qui, selon lui, seul est réel. Or, la mort n’ayant d’autre moyen pour apparaître que d’emprunter les voies du vivant, cette conviction artistique, littéralement une croyance chez Kantor qu’il emprunte à la culture yiddish, conduit à une conception de la condition de l’acteur sans précédent. Habité par le mort, il est amené à agir comme un pantin de chair, comme un revenant, hanté par l’âme errante d’un dibbouk.