Un Ferdinand Denis “tardif”

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2021

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Michel Riaudel, « Un Ferdinand Denis “tardif” », HAL-SHS : histoire de l'art, ID : 10670/1.flcg4r


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Nous nous renfermons dans une spécialité bien modeste à coup sûr, mais dans ce rapide essai, presque aussi léger que la matière qui en fait l'objet, nous tenons à ce qu'il y ait le moins de lacune possible 1. Ferdinand Denis publie ces lignes en 1875, au sein d'un opuscule d'à peine plus de 70 pages de texte, intitulé Arte plumaria. Les plumes. Leur valeur et leur emploi dans les arts au Mexique, au Pérou, au Brésil, dans les Indes et dans l'Océanie. Certains le connaissent pour ses ouvrages sur le Brésil et son activité très tournée vers les mondes ibériques et ibéro-américains, lusophones en particulier. Ce n'est pourtant là qu'une facette de ce polygraphe amateur des beaux livres, attaché à la Bibliothèque Sainte-Geneviève de 1838 à 1885, d'abord comme employé ; il y fut promu conservateur en 1841, administrateur enfin à partir de 1865. Ferdinand Denis a été également à plusieurs reprises romancier, il rédigea diverses monographies sur les sciences occultes 2 (1842), la cosmographie et l'histoire naturelle fantastique du Moyen Âge 3 (1843) ou fut l'auteur d'une Histoire de l'Ornementation des Manuscrits 4 (1857), entre autres sujets apparemment hétéroclites, pour ne rien dire de collaborations au Manuel du peintre et du sculpteur 5 (1833) ou au Nouveau manuel de bibliographie universelle 6 (1857). Son « art plumaire » se signale néanmoins comme une production tardive sur un thème particulièrement spécialisé et original. Ouvrage tardif au sens de la chronologie, puisqu'il a 77 ans quand il le publie. Tardif aussi dans la perspective que donnent à l'adjectif Adorno ou Edward Saïd, c'est-à-dire échappant aux modes du temps, sans actualité. Dans une France encore traumatisée par la défaite de 1870, dans une Troisième République mal consolidée mais déjà engagée dans la nouvelle course aux empires, Denis se propose, lui, comme hors du monde, de jeter les bases d'une histoire de l'art de la plume chez les civilisations lointaines. Rien de ce qui touche de loin ou de près aux arts ne doit être oublié, rien ne doit être omis dans l'histoire de l'ornementation des peuples 7 […] On a bien fait l'histoire de la dentelle et à chaque instant il est question dans les livres consacrés aux beaux-arts des tapisseries éphémères des Gobelins. Nous ne sommes pas exigeants, nous ne réclamons pour nos artistes américains qu'un souvenir ! (AP, 24) L'opuscule se présente donc comme un tribut, une sorte de devoir de mémoire. C'est comme si la mise en circulation de ce savoir spécifique, singulier, exotique, presque aussi invisible qu'insignifiant, venait acquitter une dette. Une dette de jeunesse, contractée par le Denis de 1816-1819, quand il séjournait à Rio et à Bahia. Une dette des colonisations européennes responsables de l'effacement de ces techniques éphémères. Ainsi écrit-il des Amantecas, les « artistes » de la plume au Mexique et en Amérique centrale : Un souffle a fait disparaître leur oeuvre, tels sont hélas ! les travaux de l'humanité, que les ruines américaines, qui semblaient indestructibles, n'ont pas eu pour ainsi dire plus de durée que les oeuvres fragiles des Amantecas (AP, 24)

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