20 juin 2018
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Fabrice Flipo, « Theoretical positions around the ecological implications of ICTs », HAL-SHS : philosophie, ID : 10670/1.fmi6ed
L'émergence du numérique dans les années 1970 à 1990 a suscité des positions théoriques assez classiques. Les positions socialistes et marxistes classiques voient dans l'avènement des TIC une possible nouvelle forme d'exploitation du travail (ce qui sera nommé " digital labor " mais qui est anticipé par Hardt & Negri ou par Gorz sous d'autres noms tels que " technofascisme " etc.) mais aussi une manifestation de la ruse de l'histoire, au cours de laquelle le capitalisme fournit les outils de son propre dépassement, ainsi André Gorz, qui voit dans les TIC une technologie-carrefour, ou Negri et Hardt, qui l'ont vu comme abolissant la valeur ; Gorz a même écrit que la sortie du capitalisme avait commencé, dès 1983 (également en 2007). Marx avait en effet anticipé l'avènement du marché mondial, les TIC peuvent être vues comme n'en étant que l'outil permettant d'y parvenir, d'une certaine manière, avec la transnationalisation de l'économie, l'intégration de tous dans l'échange, comme le suggère le Manifeste ; la nouveauté ne vient que des modalités concrètes de mise en oeuvre, mais sur le fond rien n'est réellement surprenant. L'intuition de Marx est confirmée par exemple par la thèse de Benedict Anderson, qui fait jouer à la vitesse de communication un rôle déterminant dans la construction des nations, à partir du pluralisme des situations locales. Il suffit de prolonger la thèse : avec le numérique le globish va s'imposer. Les analyses plus écologistes sont partagées, entre une lecture à la Gorz et les analyses d'Ellul ou d'Illich et qui se traduiraient plutôt dans les positionnements d'associations militantes telles que Pièces & Main-d'Oeuvre ou Technologos : le numérique n'est que la dernière manifestation du sacré technologique, auquel tout doit être sacrifié, même la planète. Le numérique représente 3 % des émissions de GES mondiales et n'a pas du tout " dématérialisé la croissance ", contrairement à ce que défendent les thèses de Negri et Hardt ou les thèses dominantes de la Commission Européenne, des grandes entreprises ou d'une partie des économistes (ainsi Sylvie Faucheux). Alors que la colonisation du monde vécu (Gorz, Habermas) par les TIC continue, et qu'elles sont chaque jour plus en passe de s'installer en situation de monopole radical (Illich), avec toutes les difficultés de protection que cela implique, la voracité des industries continue de croître, tout comme la masse de leurs déchets.