2023
Anne Kerlan, « Sécheresses et inondations. La représentation des catastrophes climatiques dans les films de la Chine républicaine (1927-1937) », HAL-SHS : histoire de l'art, ID : 10670/1.fmiij3
Cet article s’intéresse à la façon dont l’industrie cinématographique chinoise a rendu compte de deux catastrophes naturelles majeures durant la République de Nanjing (1927-1937) : la sécheresse de 1928-1930 dans le nord-ouest de la Chine et les inondations du Yangzi en Chine centrale en 1931. Notre objectif est de comprendre comment les entreprises cinématographiques chinoises ont participé à la mobilisation nationale et contribué aux débats publics concernant ces catastrophes et leurs significations. Le cinéma, en tant qu’institutionculturelle, a-t-il endossé un nouveau rôle, qui irait de pair avec la nouveauté et les spécificités du médium ? La question de la représentation cinématographique de ces catastrophes et de leur impact sur le public mérite en outre d’être explorée, afin d’établir si le cinéma chinois a été influencé par des modèles occidentaux oupar des modes de représentation traditionnels. Cet article se concentre sur le cas de deux des principales compagnies cinématographiques chinoises, la Mingxing 明 星 (Star, fondée en 1922) et la Lianhua 聯華 (United Photoplay Service, fondée en 1930). Dans un premier temps, nous nous interrogerons sur la manière dontces compagnies ont réagi à ces catastrophes, participant à une mobilisation qui se voulait nationale ou du moins propre à célébrer une forme d’union nationale. Puis, nous explorerons deux films de fiction, L’Humanité (Rendao 人道), sorti en 1932 par la Lianhua, et Torrent (Kuangliu 狂流), produit l’année suivante par la Mingxing. La place accordée à ces catastrophes, leur représentation dans les deux films, révèlent des objectifs et des visions politiques très différents. La question de la rhétorique visuelle à l’œuvre, et de ses modèles, sera posée. Enfin, nous analyserons la réception publique et critique de ces deux films et les débats qu’ils ont suscités. Il apparaît que derrière les objectifs classiques consistant à produire des images pour inciter les gens à l’action et les amener à soutenir les victimes de catastrophes, les films ont également été perçus comme des éléments de discours politiques divergents.