2023
Cairn
Stéphane Vibert, « L’égalité au risque de la différence : la complication démocratique », Revue du MAUSS, ID : 10670/1.fp64uy
Les sociétés modernes pluralistes doivent nécessairement affronter, d’une façon ou d’une autre, le « paradoxe de l’identité démocratique » : la reconnaissance du pluralisme culturel et de la diversité communautaire, réinterprétés comme revendication subjective à l’authenticité, entre en potentielle contradiction avec l’affirmation de l’égalité des individus, assurée par la loi à partir d’une secondarisation des traits particuliers propres à chaque personne. Le slogan de « l’égalité dans la différence » lancé afin de répondre à ce défi théorique et politique ne peut masquer la difficulté de penser la nature du « monde commun » accueillant des mobilisations identitaires potentiellement contradictoires et antagonistes : d’une part, toute identité collective se prête à une essentialisation réductrice ; d’autre part, certaines minorités illibérales instrumentalisent les droits subjectifs afin d’en restreindre la nature émancipatoire. C’est essentiellement pour mieux penser cet écueil théorique que l’anthropologue Louis Dumont a insisté sur la nécessité, contextualisée et négociée, de hiérarchiser les revendications d’égalité et de différence au sein des sociétés démocratiques, notamment en soulignant la claire distinction entre ces deux types de reconnaissance distincts, malgré la confusion consistant à les assimiler sous un même registre de droits et de justice.