From the inside out: the dreams of mobility À revers du dedans : les rêves de la mobilité En Fr

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Hervé Nicolle, « À revers du dedans : les rêves de la mobilité », HAL-SHS : sociologie, ID : 10670/1.g6i0zo


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Résumé En Fr

After Hitler came to power in 1933, Charlotte Beradt, a Berlin journalist, began night after night to have a series of nightmares in which she saw herself being stalked and humiliated by Nazi storm troopers. Convinced that she was not the only one in this situation, Beradt documented the dream visions of her friends, neighbours and other Berlin Jews, as direct evidence of the persecution mechanisms of a totalitarian regime in the making. Some of the dreams are about being forbidden to speak, to express oneself, to rejoice or even to dream; all of them are Kafkaesque mini-narratives that blur the boundaries between subjugation and subjectivation. In 1968, with the help of his friend Hannah Arendt, Beradt published a collection of over three hundred dreams and nightmares under the title Das Dritte Reich des Traums. This collection constitutes an intimate seismography of the political history of the Third Reich: "Such dreams were not to be lost. They could be remembered the day the regime was judged as a historical phenomenon, because they seemed to be full of lessons about the affects and motivations of the people who were inserted like little wheels into the totalitarian mechanism", writes the author. After reading the book, we asked Tigrayan migrants who had fled the massacres of the Ethiopian conflict since autumn 2020, South Sudanese asylum seekers harassed by French bureaucracy in Calais, Ugandan refugees in Nairobi because of their sexual orientation and young displaced women in the Diffa region of Niger to tell us about their dreams. Between anthropological diagnosis and heterotopic knowledge, what can we learn from listening to dreams of mobility today? We will attempt to answer this question by drawing on nearly fifteen years' fieldwork with refugees and displaced persons in Central Asia, Africa and Europe, and on a collection of nearly 60 dreams begun in December 2020.The aim of our paper is to highlight the beautiful, strange and often terrifying fruits of today's dreams of mobility, by looking at them from the angle of the fault - the fault that snakes, splits, reveals and manifests the processes of subjectivation and self-recreation of the migrants and dreamers we have met. From this perspective, then, the flaw does not so much refer to a lack, a weak point or a defect, as to the staging of subjectivation struggles. We will thus try to read - behind the accounts and interpretations of dreams by migrant women and men from Calais, Kakuma, Diffa or Tunis - diagnoses in action, living seismographs, Etienne Balibar describes it as "a double process of subjectivation and objectivation, of subjecting the individual to rules and constructing the relationship between self and self in different practical ways, (a double process that makes up the) two sides of the same reality. " The aim, then, is to understand the modalities and mechanisms of subjection and subjectivation as experienced in the trajectories of migrant dreamers.

Après l'arrivée d'Hitler au pouvoir en 1933, Charlotte Beradt, une journaliste berlinoise, commence nuit après nuit une série de cauchemars dans lesquels elle se voit traquée et humiliée par les troupes d'assaut nazies. Convaincue qu'elle n'est pas la seule dans cette situation, Beradt documente les visions oniriques de ses amis, voisins et autres Juifs berlinois, comme autant de preuves directes des mécanismes de persécution d'un régime totalitaire en devenir. Certains rêves portent sur l'interdiction de parler, de s'exprimer, de se réjouir ou même de rêver ; tous sont des mini-récits kafkaïens qui déjouent les cloisons entre assujettissement et subjectivation. En 1968, avec l'aide de son amie Hannah Arendt, Beradt publie un recueil de plus de trois cents rêves et cauchemars sous le titre Das Dritte Reich des Traums. Ce recueil constitue une sismographie intime de l'histoire politique du Troisième Reich: « De tels rêves ne devaient pas être perdus. On pouvait s'en souvenir le jour où le régime serait jugé comme un phénomène historique, car ils semblaient riches d'enseignements sur les affects et les motivations des personnes qui étaient insérées comme de petites roues dans le mécanisme totalitaire » écrit son auteur. Après avoir lu le livre, nous avons demandé à des migrants tigréens ayant fui les massacres du conflit éthiopien depuis l'automne 2020, à des demandeurs d'asile sud-soudanais harcelés par la bureaucratie française à Calais, à des Ougandais réfugiés à Nairobi en raison de leur orientation sexuelle et à de jeunes femmes déplacées dans la région de Diffa (Niger) de nous parler de leurs rêves. Entre diagnostic anthropologique et savoir hétérotopique, que nous apprend l’écoute des rêves de mobilité aujourd'hui ? Nous essaierons de répondre à cette question en nous appuyant à la fois sur un travail de terrain de près de quinze ans auprès de réfugiés et déplacés en Asie Centrale, en Afrique comme en Europe, et sur une collecte de près de 60 rêves entamée depuis décembre 2020.Notre communication entend ainsi mettre en évidence les fruits beaux, étranges et souvent terrifiants des rêves de mobilité d'aujourd'hui, en les pensant sous l’angle de la faille – cette faille qui serpente, écartèle, révèle et manifeste tout à la fois les procès de subjectivation et de recréation de soi des migrants, rêveurs et rêveuses, que nous avons rencontrés. Dans cette perspective, la faille ne ferait donc pas tant référence au manque, au point faible ou au défaut, qu’à la mise en scène de luttes de subjectivation. Nous essaierons ainsi de lire – derrière les récits et interprétations de rêves par les femmes et les hommes migrants de Calais, Kakuma, Diffa ou Tunis – des diagnostics en acte, des sismographes vivants, pour nous permettre de mieux cerner la question du sujet politique telle qu’elle se pose à nous aujourd’hui et qu’Etienne Balibar décrit comme « un double procès de subjectivation et d’objectivation, d’assujettissement de l’individu à des règles et de construction du rapport de soi à soi selon différentes modalités pratiques, (double procès qui compose les) deux faces d’une même réalité. » Il s’agira donc de comprendre les modalités et dispositifs d’assujettissement et de subjectivation tels qu’ils s’expérimentent dans les trajectoires des rêveuses et rêveurs migrants.

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