« Contingence et changement. Quelques remarques sur La metabolè : le changement dans la relation de soin en nutrition de Jean-Daniel Lalau »

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23 janvier 2024

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Alain Panero, « « Contingence et changement. Quelques remarques sur La metabolè : le changement dans la relation de soin en nutrition de Jean-Daniel Lalau » », HALSHS : archive ouverte en Sciences de l’Homme et de la Société, ID : 10670/1.ga8bbp


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Résumé Fr

Dans le sillage du précédent séminaire, je reviendrai sur la question du changement. Mais mon but ne sera pas de traiter hors sol un sujet de dissertation dont le libellé serait « Le changement ». Je reviendrai plutôt sur cette question du changement à partir des analyses de J.-D. L. lui-même, en m'appuyant exclusivement sur celles que l’on trouve dans sa thèse de doctorat de philosophie de 2007 intitulée "La metabolè : le changement dans la relation de soin en nutrition". Dans une première partie, intitulée « Une thèse audacieuse qui a valeur de témoignage », je suggérerai que la thèse met d’abord en récit, de façon explicite ou en filigrane, un changement en première personne, celui de J.-D. L. lui-même et non celui de tout professeur de nutrition ou de tout soignant. Si le titre de la thèse nous promet une étude du changement dans la relation de soin en nutrition, cela n’exclut pas que le changement de J.-D. L. puisse être coextensif non seulement au changement du patient mais encore à la relation dialectique patient/soignant. Changement dont on peut certes retracer après coup la genèse, que l’on peut expliquer et/ou interpréter rétrospectivement (il s’agirait ici chez J.-D. L. d’un besoin impérieux de changer de « méthode » d’éducation thérapeutique, d’un désir d’exercer la médecine à la fois en scientifique et en philosophe) mais qui, en sa contingence, déborde toute causalité (ce qui a eu lieu aurait pu, dans le même contexte médical, ne pas avoir lieu). Sous cet angle, ce changement en première personne demeure donc énigmatique : il s’impose en sa nécessité mais sa nécessité enveloppe en elle une part irréductible de contingence (on peut alors parler de « facticité »). Qu’il advienne soudainement (conception discontinuiste du changement) ou qu’il soit le produit d’une maturation inconsciente (conception continuiste du changement), peu importe les thèses en présence puisque, en leur fond, mutation soudaine ou altération progressive s’accompagnent d’un irréductible coefficient de contingence (la mutation aurait pu être autre, et l’altération aurait pu être indéfiniment retardée). Ce qui pose la question du caractère universalisable de la nouvelle approche thérapeutique proposée ici : si le positionnement de J.-D. L. est le point de départ d’une relation inédite de soin, comment en faire, à l’intérieur d’un cadre institutionnel par définition rationaliste et modélisant, le fondement prévisible (réitérable et transmissible) d’un programme thérapeutique ? Dans une deuxième partie, intitulée « Ranimer les puissances refondatrices de l’imagination chez le patient », nous verrons que J.-D. L., soucieux d’opérer une rupture épistémologique en matière d’éducation thérapeutique (car, insiste-t-il, « on n’éduque pas un adulte »), s’intéresse dans sa thèse aux indices du changement de quelques personnes obèses ou anorexiques et non aux progrès quantifiables (en termes de perte et/ou de prise de poids mesurables) de malades simplement considérés comme des cas d’obésité ou d’anorexie. Ce qui sera l’occasion d’examiner les principales idées directrices qui fondent la nouvelle démarche thérapeutique et « éducative » qu’il préconise. Première idée directrice à noter : il s’agit de faire de l’image du feu un opérateur de communication (et même de « rencontre ») entre le praticien (dont le discours spécialisé risque toujours d’être trop technique) et le patient. La combustion vaut alors comme une métaphore commode des processus physico-chimiques de la digestion et de la consommation des calories. Dans cette perspective, il appert que le caractère universalisable de l’approche thérapeutique de J.-D. L. tient à l’hypothèse d’une communicabilité universelle d’images impliquées dans le processus de métaphorisation inhérent à toute symbolisation. Pour justifier cette hypothèse, il s’appuie sur une philosophie de l’image (voir notamment les références à G. Bachelard et à Jean-Jacques Wunenburger) et sur une anthropologie de l’imaginaire (voir les références à Gilbert Durand). Deuxième idée directrice à retenir : il s’agit de susciter chez le patient, autour de l’imaginaire du feu, des rêveries roboratives, qui, lorsque ce dernier les retranscrit, en se faisant pendant quelques heures écrivain, peintre ou poète, sont certes révélatrices de sa propre représentation de la maladie, mais aussi de sa personnalité enfouie et de son corps propre (irréductible au corps objectivement perçu), voire, plus largement de son rapport métaphysique au Moi et au Non-moi. S’immergeant momentanément dans ce sol ontologique où Moi et Non-moi semblent encore indéterminés et donc interchangeables, comme s’ils n’étaient tous deux que le produit d’une fantasmagorie anonyme qui les précède, un Sujet « refondu » (comme on le dit d’un métal) pourrait ainsi émerger de cette rêverie, un Sujet d’avant le sujet obèse ou anorexique, un Sujet d’avant le langage expert des prétendus éducateurs thérapeutiques, d’avant les normes et réifications sociales qui sous-estiment le pouvoir de l’imaginaire qui est aussi un pouvoir de re-symboliser et de créer d’autres normes de vie (voir la référence à Canguilhem). Telle serait la vertu thérapeutique d’une refonte ou d’une refente du sujet via l’imaginaire et la re-symbolisation qu’elle autorise. Le contenu latent et la teneur archétypale des rêveries diurnes sur le feu, à valences intimistes ou cosmiques, n’ont donc rien à envier aux rêves nocturnes ou aux jeux de signifiants que déchiffrent, de leur côté et avec leurs propres méthodes, les psychanalystes (certaines intuitions ou concepts de Freud, de Lacan ou encore de Gérard Haddad, sont ici présentées pour attester une convergence pluridisciplinaire possible : philosophie, anthropologie, linguistique, sémiologie, phénoménologie, histoire des religions, herméneutique…). Enfin, dans une dernière partie, intitulée « La psychanalyse existentielle de Sartre peut-elle nous aider à penser le décalage toujours possible entre, d’un côté, le choix et le projet du soignant et, de l’autre, le choix et le projet du patient ? », j’irai faire un tour du côté de chez Sartre, spécialiste s’il en est du concept de contingence, pour parler de ce qu’il nomme la « psychanalyse existentielle » (dans L’être et le néant, 4ème partie, chapitre 2). Je suggérerai que cette drôle de psychanalyse qui ne se réfère pas à la notion d’Inconscient (alors que J.-D. L., lui, s’y réfère, même si c’est de façon informelle) mais à celle, métaphysique, de la contingence de tout ce qui est, qu’il s’agisse du monde des choses ou des sujets conscients (contingence encore appelée « absurde » ou facticité »), est compatible, en ses aspects onto-phénoménologiques et bachelardiens, avec le positionnement de J.-D. L. qui, à mes yeux, s’accompagne d’un irréductible coefficient de contingence.

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