2021
Cairn
Valérie Pozner et al., « Film phare – film fantôme : Le procès du Parti industriel en images et en sons (1930-2020) », Cahiers du monde russe, ID : 10670/1.ge83cq
Le film de Jakov Posel´skij 13 jours – un des premiers films sonores soviétiques d’une longueur exceptionnelle d’environ deux heures – se voulait la pièce maîtresse d’une large campagne de mobilisation entourant le procès du Parti industriel (1930). Pourtant, contrairement à ses ambitions premières, le film n’a rencontré qu’un public réduit et même son intégrité matérielle n’a pas été sauvegardée jusqu’à nos jours. Plutôt qu’à un film-phare, 13 jours s’apparente à un film fantôme, pratiquement dès l’époque de sa production. L’article vise à interroger ce paradoxe apparent, en inscrivant son analyse à l’intersection de l’histoire du développement du cinéma documentaire soviétique et de celle des pratiques mobilisatrices du pouvoir. Si l’importance du procès pour la légitimation du pouvoir et de ses politiques préconise l’investissement de multiples acteurs dans la campagne, les milieux cinématographiques ont des raisons supplémentaires d’y prendre une part active. Outre l’opportunité de valoriser le rôle du cinéma dans le domaine de la propagande politique – et, partant, de justifier l’allocation de financements pour assurer la transition au cinéma sonore – il s’agit en effet de démontrer la loyauté des cinéastes dans un contexte où les répercussions de l’affaire du Parti industriel atteignent les milieux cinématographiques mêmes. L’article examine les différents aspects de ce film, le contexte précis de sa production, les acteurs impliqués, les conditions de sa diffusion et de sa réception et se penche sur les éléments conservés, en émettant des hypothèses sur l’état de son montage originel. Adjoints à une reconstruction du dispositif technique d’éclairage, de prise de vues et d’enregistrement, ces différents éléments permettent d’analyser les rapports qu’entretiennent le son et l’image, ce qu’ils disent du procès et du sens politique de cette captation. En remontant au plus près du moment de création, on peut alors mesurer les effets de distorsion induits par des montages plus récents qui se servent des archives visuelles et sonores pour servir d’autres discours.