Exil et terrorisme d'Etat en Argentine : les images de l'exil dans le discours politique des militaires

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Fondée sur la Doctrine de la Sécurité Nationale (DSN) et la théorie française de la guerre contre-révolutionnaire, la dictature militaire argentine des années 70 a tenu un discours visant à l'élimination des ennemis politiques conçus comme « subversifs ». Par des pratiques répressives parmi les plus violentes de l'histoire du pays, le terrorisme d'Etat a réussi à éliminer toute activité des organisations armées et de l'opposition politique. Cette répression avait commencé bien avant le coup d'Etat de 1976 et, une fois les militaires au pouvoir, durant les trois premières années de dictature, ils ont réussi à supprimer toute activité sociale ou politique de résistance. Les moyens choisis sont bien connus : la disparition forcée de personnes, la torture, la séquestration, la mise en place d'un système de camps de détention, l'assassinat et la dissimulation des corps, l'exil, etc. Au cours de l'année 1978, alors que la phase de répression la plus violente se terminait, les militaires argentins ont commencé à dénoncer une sorte de « campagne anti-argentine » menée par les agents de la subversion internationale, parmi lesquels les gouvernements sociaux-démocrates européens, des organisations humanitaires du monde entier, en France les comédiens Simone Signoret et Yves Montand et le journal Le Monde, et aux Etats-Unis la secrétaire du Département des Droits de l'Homme du Président Jimmy Carter. Néanmoins, pour les militaires argentins, les principaux responsables de cette campagne étaient surtout les exilés argentins vivant à l'extérieur (au Mexique, en Espagne, en France, etc.). A partir de ce moment, les exilés ont été la cible d'un discours militaire dénonçant la subversion argentine réfugiée à l'extérieur. Cette opération idéologique a été conduite par les militaires eux-mêmes, mais aussi soutenue par la presse écrite. Une fois éliminé l'ennemi intérieur, la représentation du pouvoir autoritaire a trouvé sa nouvelle cible : le même ennemi intérieur mais placé à l'extérieur et aidé par les réseaux terroristes internationaux. Il s'agit en conséquence de la continuité du discours politique de la DSN qui avait besoin de se construire des ennemis pour maintenir sa légitimité, et maintenant les redécouvre hors du pays. Cet imaginaire négatif construit autour des exilés a survécu jusqu'à leur retour en Argentine : ils ont en effet souffert d'une stigmatisation due à leur séjour à l'étranger pendant les années de la dictature. Mais de manière plus importante encore, ces images créées par les militaires ont conditionné leur identité et leur représentation d'eux-mêmes, en tant que victimes du terrorisme d'état en Argentine.

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