2024
Cairn
Delphine Froment, « « Des terres sans propriétaires » ? Les forêts du Kilimandjaro, entre pratiques locales et politiques coloniales dans la seconde moitié du xixe siècle », Revue d’histoire du XIXe siècle, ID : 10670/1.gimjim
En Afrique orientale allemande (actuels Tanzanie, Rwanda et Burundi), la fin du xixe siècle est marquée par l’imposition d’une politique environnementale visant à la conservation des ressources et à leur exploitation raisonnée par les colonisateurs. Les forêts du Kilimandjaro, réputées pour leurs bois précieux, font ainsi l’objet d’une première mise en place de réserves – une politique amenée à perdurer et à se renforcer au cours du xxe siècle, le parc national du Kilimandjaro (1973) étant par exemple un héritage postcolonial indirect de cette législation importée d’Occident. Cet article se propose de revenir sur l’histoire de la progressive imposition de cette politique environnementale sur le massif du Kilimandjaro, en se concentrant en particulier sur le processus d’invisibilisation des pratiques autochtones qui a rendu une telle politique possible. Le croisement de récits de voyages d’acteurs ayant séjourné sur le massif dans la seconde moitié du xixe siècle, de sources administratives et de travaux d’anthropologie permet ici d’observer comment, malgré le constat ancien d’usages locaux de ces forêts, les Européens en sont venus à oblitérer ces pratiques et ont facilité la désocialisation du massif – et, avec elle, la mise en place d’une politique coloniale de conservation expropriant, de fait, les populations locales.