2011
Cairn
Jean-Paul Barrière, « L'entourage féminin d'un bourgeois lillois du dernier quart du XIXe siècle », Revue du Nord, ID : 10670/1.gkuc5l
Les Carnets de Jules-Émile Scrive confortent souvent les stéréotypes masculins et féminins habituels dans la grande bourgeoisie nordiste, mais ils révèlent aussi la masculinité inquiète de leur auteur et les deux versants de sa personnalité et de ses représentations. L’industriel, au fond peu enthousiaste sur son métier, est marqué par sa lignée, et surtout par les femmes de sa lignée. Son entourage féminin, analysé selon l’agencement de ses différents cercles (mères, épouses, veuves, jeunes filles, domestiques), montre certes une répartition sexuée des tâches au sein du ménage et l’assignation des femmes à certains rôles (réceptions, activités caritatives). Néanmoins, sa vision n’est pas univoque et l’on décèle des infléchissements par rapport aux stéréotypes, d’autant que les Carnets évoluent vers un ton plus personnel, notamment à l’occasion du remariage. Ils soulignent aussi l’impérieuse nécessité de la présence économique et sociale des femmes (rôle dans la conduite des affaires, place de la belle-mère ou des veuves...). Peut-être aussi l’écriture et le ton préoccupé du journal signalent-ils l’impossible conciliation entre la fierté du diariste de faire partie intégrante de l’univers masculin des dominants et l’envie d’atteindre, par une représentation fantasmatique du monde des femmes, « l’âge heureux de l’impuissance » ?