5 décembre 2014
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Audrey Petit, « Aux frontières de la biomédecine : médecine et professionnels de la douleur », HAL-SHS : sociologie, ID : 10670/1.gl87uw
À travers une démarche ethnographique et interactionniste (Blumer, 1969), l’enjeu de cette recherche est de rendre compte de la place occupée par la médecine de la douleur dans la division du travail médical (Hughes, 1996). Ainsi, il s’agit de comprendre pour quelles raisons, quarante années après l’introduction de ce domaine de pratiques en France, les professionnels de la médecine de la douleur rencontrent toujours des difficultés à faire reconnaître leur statut et continuent d’œuvrer pour leur reconnaissance. Trois voies d’entrées sont privilégiées pour répondre à ce questionnement. 1) À travers l’observation des consultations d’évaluation et de traitement de la douleur chronique et l’« activité transversale » des « équipes mobiles douleur » dans des centres de la douleur parisiens, nous rendons compte d’une activité médicale qui ne s’inscrit pas dans le sillage de la biomédecine (Cambrosio et Keating, 2003) et qui est constituée autour de la pluridisciplinarité, d’une approche dite « globale » du patient et d’un attachement aux dimensions psychologiques. Les moyens d’actions thérapeutiques à disposition des médecines ne permettent pas de soulager totalement les patients. Aussi, une grande partie du travail des médecins de la douleur consiste à apprendre aux patients à vivre avec leur douleur ; 2) Les entretiens (biographiques) réalisés auprès des professionnels de la médecine de la douleur -aux trajectoires particulières et provenant de disciplines variées- permettent de retracer des carrières (Hughes, 1996) peu valorisées en lien avec l‘histoire de ce domaine de pratiques ; 3) L’attention portée aux actions collectives entreprises en vue de la reconnaissance de ce domaine de pratiques et du statut de ces professionnels (Abbott, 1988; Le Bianic et Vion, 2008) permet de signifier l’existence de deux répertoires d’action aux logiques différentes et aux effets incertains. Ces voies d’entrée nous permettent de retracer la logique d’évolution de cette activité en partant d’une histoire des tâches et des problèmes et de revenir de manière critique sur le caractère non linéaire du processus de professionnalisation. Cette recherche contribue en outre à mettre en exergue les interstices laissés vacants par la biomédecine tels que le soin et le fait de prendre son temps et donc par là même ce que la médecine de la douleur essaie de combler. De manière plus large, il interroge la forme prise par la médecine contemporaine (Baszanger et al., 2002).