A subaltern elite « serving the show »: Ethnography of an opera house machinery Une élite subalterne « au service du spectacle »: Ethnographie d’une machinerie d’Opéra En Fr

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10 janvier 2024

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Bérénice Crunel Bedouet, « Une élite subalterne « au service du spectacle »: Ethnographie d’une machinerie d’Opéra », HAL-SHS : sociologie, ID : 10670/1.gp3lig


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Résumé En Fr

Within an internationally well-known opera house, this thesis sheds light on a group of contributors to the show often left in the shadows: the stagehands. These technicians occupy a subordinate position within the institution: their subordination to a bureaucratised order is enhanced by their devaluation within the symbolic and social hierarchies, and class contempt. While the neo-managerial paradigm is changing this relationship of domination, we aim to understand the conditions and accommodations that make this situation acceptable, even enviable, for the machinists.These stagehands are, indeed, not without resources. The demonstration argues that the practical sense of these machinists enables them to take advantage of the latitudes left within a configuration of strong interdependence. In fact, the necessity of maintaining the company's reputation of excellence comes with a certain amount of autonomy to carry out an essential contribution to the running of the shows. These subalterns constitute an informal elite within their profession thanks to their adaptability, inventiveness and responsiveness. They convert these practical skills into resources to deal with the daily manifestations of symbolic violence. The “eigensinn” and practices that allow to subvert constraints, renegotiate instructions or respond to attacks on dignity, are symbolically supported by a moral economy. The machinists maintain a sense of pride in belonging to the institution, valuing “well made” work, but also claiming a stylized working-class culture and ideal of virility, building a class antagonism with the managers and artists. This practical politicisation is extended by a tradition of “struggle” trade unionism.The reproduction of this “brigade” is ensured by a process of selection and training with little formalisation and a focus on testing, which is ideal for spotting the ability to develop the machinist’s practical sense and a loyalty to the work group. Professional socialisation is intense, requiring a “body and soul” investment, made of demanding working conditions (physicality, alternating shifts, stress and other forms of drudgery), the participation to the symbolic world of this group and to its rituals. This traditional definition of machinery is nevertheless being challenged by the development of a more technical vision of the profession, carried by newcomers who are socially better endowed and who often graduate the first professional training courses set up in the 2000s. The arising “generation conflict” is leading to a redefinition of professionality and ways of exercising the work. Young technicians appropriate differently the traditional resources of the brigade and question the collective capabilities to defend the machinist’s reputation within the institution and the working conditions, which are renegotiated by neo-managerial policies. In the context of intensification of work, loss of autonomy, individual accountability, reduction in the margins of team leaders and the disarmament of “struggle” unionism, can the machinist’s practical sense still support the interests and respect of the “brigade”?

Au sein d’une maison d’opéra à la renommée internationale, cette thèse met en lumière un collectif de contributeurs au spectacle souvent laissé dans l’ombre : les machinistes. Ces techniciens occupent une position subalterne dans un établissement où leur subordination à un ordre bureaucratisé est redoublée par leur dévalorisation dans les hiérarchies symboliques et sociales de l’institution, donnant lieu à l’expression d’un mépris de classe diffus. Alors que le paradigme néomanagérial vient actualiser cette relation de domination, il s’agit de comprendre les conditions de possibilité et les accommodements qui rendent cette situation acceptable, voire enviable, pour les machinistes.Tout d’abord, ces subalternes ne sont pas pour autant démunis. La démonstration soutient que le sens pratique de ces machinistes leur permet de tirer profit des marges laissées par une configuration de forte interdépendance. Ils disposent en effet d’une certaine autonomie pour apporter leur contribution, incontournable au déroulement des représentations, avec un niveau d’exigence conforme à la réputation d’excellence de la Maison. Ces subalternes, qui constituent une élite informelle de leur métier, mobilisent l’adaptabilité, l’inventivité, la réactivité dont ils font preuve au travail pour faire face aux manifestations quotidiennes de violence symbolique. Derrière le « quant-à-soi » et les pratiques permettant de contourner la contrainte, renégocier des consignes ou répondre aux atteintes à leur respectabilité, c’est toute une économie morale qui soutient l’affirmation et l’autonomisation de ces subalternes. Au sein de leur brigade, ils entretiennent ainsi un contre-discours articulant fierté d’appartenir à l’institution et de participer à la production de spectacles d’exception (illusio), valorisation du travail « bien fait », et revendication d’une culture ouvrière et d’un idéal de virilité stylisés, qui construisent un antagonisme de classe avec les dirigeants et les artistes. Cette politisation pratique est prolongée par une tradition d’adhésion à un syndicalisme « de lutte ».Ensuite, la reproduction du collectif est assurée par une sélection et une formation « sur le tas », peu formalisés et centrés sur la mise à l’épreuve, dispositifs particulièrement propices au repérage des dispositions à développer le sens pratique machiniste et le sentiment de loyauté vis-à-vis de la brigade. La socialisation professionnelle est intense, requérant un investissement « corps et âme », entre conditions de travail exigeantes (physicalité, horaires alternés, stress et autres formes de pénibilité), adhésion à l’univers symbolique brigadier et participation à ces rituels (souvent festifs). Cette définition traditionnelle de la machinerie est néanmoins remise en question par le développement d’une vision plus technique du métier, portée par des machinistes socialement plus dotés et souvent issus des premières formations professionnelles créées dans les années 2000. Le « conflit de générations » qui apparait engage une lutte de redéfinition des critères de professionnalité et des manières de pratiquer le métier. Les appropriations différenciées de la culture et des ressources brigadières questionnent également la manière dont les machinistes peuvent continuer à défendre collectivement leurs conditions de travail et leur position dans l’établissement, renégociées par les politiques néogestionnaires. Face à l’intensification du travail, la perte d’autonomie, la responsabilisation individuelle, la réduction des marges de liberté du petit encadrement et le désarmement du syndicalisme « de lutte » à travers les dispositifs de concertation, le sens pratique brigadier peut-il encore soutenir les intérêts et le respect des machinistes dans l’établissement ?

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