Justice au travail

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1 septembre 2017

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Hélène Michel, « Justice au travail », HAL-SHS : sciences politiques, ID : 10670/1.gqup8j


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L’actualité politique et médiatique donne régulièrement à voir comment la justice est saisie dans différents conflits du travail. Toutefois, ces affaires contribuent à réactiver et à renforcer l’idée qu’un processus inédit de judiciarisation quasi inéluctable des actions collectives est à l’œuvre. Pourtant, spécialistes du syndicalisme, analystes de l’action collective ou encore sociologues du droit et de la justice ont remis en question cette idée qui n’est pas validée empiriquement. Ils s’accordent en effet pour rappeler que les pratiques judiciaires des organisations syndicales sont anciennes, que les recours à la justice, loin d’être systématiques et recherchés, souffrent encore de très nombreux obstacles et que le droit donne lieu à des usages pluriels et pluridimensionnels qui ne se réduisent pas à la résolution des conflits ou à la défense de salariés. Prenant acte de ces résultats, ce dossier de Politix se propose d’approfondir le questionnement sur les rapports entre travail et justice. D’une part, en veillant à une meilleure articulation entre les travaux de sociologie du droit et de la justice avec tant les travaux de sociologie du travail et de l’entreprise que ceux relatifs au syndicalisme et à l’action collective ; d’autre part, en prenant en compte la spécificité des institutions judiciaires et du droit du travail dans le traitement des questions de travail. De cette manière, comme le rappelle Hélène Michel, il s’agit de sortir d’une approche généraliste du droit et de la justice au profit d’une sociologie différenciée permettant de saisir ce que le droit du travail et les différentes juridictions du travail font (ou ne font pas) aux acteurs du travail et à leurs pratiques et, inversement, de comprendre ce que les pratiques syndicales et patronales doivent à ces formalisations juridiques du travail qu’il convient de penser en lien avec d’autres formalisations (économiques par exemple) et d’autres types de droit (de la concurrence par exemple). Dans cette perspective, les différents articles réunis dans ce dossier visent à répondre à deux séries de questions. La première renvoie au processus de mise en justice (ou non) des questions de travail. Il s’agit de restituer le travail des intermédiaires dans la fabrique des recours, en lien avec les opportunités et les contraintes qu’offrent le droit du travail et ses juridictions. La seconde porte sur les effets de ce passage en justice aussi bien sur les conflits du travail que sur ses acteurs, leurs pratiques et leurs revendications. Les articles du dossier rendent compte du rôle des intermédiaires du droit, qu’ils soient avocats, juristes, syndicalistes ou membres de l’inspection du travail dans la fabrique des litiges. Ils mettent en évidence leurs contributions différenciées qui renvoient à leur position différente dans le champ juridique, comme le montre l’article de Laurent Willemez étudiant le rôle de syndicalistes et inspecteurs du travail dans les permanences juridiques. De même, selon qu’ils agissent au sein des unions départementales, des unions syndicales ou des confédérations, nationales ou européennes, les syndicalistes ne font pas le même usage du droit et de la justice. C’est ce que l’article de Baptiste Giraud montre, en se focalisant sur différents usages du registre judiciaire et en les replaçant en lien avec les pratiques de la grève. Ainsi, outre les logiques d’évitement du droit par les représentants syndicaux, il peut rappeler que les recours judiciaires sont souvent imposés par la direction de l’entreprise comme mode de sortie du conflit. Aussi, l’usage de la justice répond à une pluralité d’objectifs, comme le montre Jean-Philippe Tonneau sur des affaires de contestation de restructurations d’entreprise traitées par l’avocat travailliste Tienot Grumbach. Son rôle dans la formalisation des recours est essentiel, tout comme sont déterminants les lieux où sont traités des conflits. Étudiant le passage à l’Europe d’un conflit syndical qui commence par une affaire locale et se termine à la Cour de justice de l’Union européenne, Julien Louis montre bien comment se fait cette mobilisation judiciaire européenne à travers des déplacements successifs entre différentes arènes judiciaires. En retour, ces déplacements contribuent à reformuler la cause défendue par le syndicat qui n’est plus tant la défense d’un salarié ou encore la remise en cause d’un article du Code du travail français que la définition de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Les effets du passage en justice peuvent se faire sentir directement sur les justiciables, comme dans le cas de jeunes salariés saisissant les prud’hommes qu’étudie Camille Trémeau. Pour eux, l’épreuve judiciaire a paradoxalement un rôle de socialisation, consacrant l’existence d’intérêts antagoniques entre employeur et salarié, et développant chez les salariés un sentiment d’avoir « droit à avoir des droits ». Enfin, Aude Lejeune et Héléna Yazdanpanah montrent comment les militants syndicaux, en France, utilisent divers cadrages du droit où ils articulent protection des salariés et revendications d’égalité professionnelle, pour défendre les travailleurs handicapés et, par ce biais, rendre ce public visible, aux yeux des employeurs et de leurs propres organisations syndicales. Ce dossier Justice au travail permet ainsi de mieux comprendre la fabrication des litiges du travail et leur règlement par la justice du travail en portant attention à la fois aux lieux où sont traitées les questions de droits des travailleurs, à la particularité des corpus juridiques pour les formuler et aux différentes caractéristiques et positions des intermédiaires. Ce faisant, il met au jour les processus à l’œuvre dans l’introduction de nouveaux droits, dans les transformations des pratiques syndicales ou encore contribuant à la redéfinition des rôles des différents acteurs, en particulier syndicaux, au sein des entreprises.

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