16 décembre 2021
Laurent Chircop-Reyes, « Déforestation, (ré)équilibre écologique et gouvernance locale en Chine impériale tardive : L'usage politique du fengshui dans la perspective de La pensée chinoise de Marcel Granet », HAL-SHS : histoire, ID : 10670/1.grh5v8
Selon Marcel Granet (La pensée chinoise, 1934), l’essentiel de la politique impériale chinoise réside dans la « géomancie » (fengshui 風水, litt. « vent [et] eau »). Dans cette perspective, nous interrogerons la notion de fengshui et en particulier son usage dans la gouvernance locale en Chine impériale tardive des Ming et des Qing (1368-1912). Pour ce faire, l’exposé s’appuie sur un cas d’étude concret dans le prolongement des travaux de Zheng Zhenman (Xiamen University) portant sur la sylviculture dans les montagnes du Fujian. Monographies et archives mentionnent que la déforestation a entraîné localement la disparition de plusieurs espèces animales (tigres, léopards, macaques). Des forêts artificielles pour l’exploitation du cèdre ont par la suite continué de bouleverser l’équilibre écologique de la région. Les sources textuelles d’époque mettent en évidence une certaine préoccupation pour l’environnement par les chefs de clan locaux, désignés par l’administration impériale pour la gestion des affaires sylvicoles : sous l’autorité de ces derniers, les exploitants sont sommés de ne pas déséquilibrer le fengshui, l’ordre naturel des choses. Nous tenterons d’éclairer dans quelles mesures les tenants de l’espace social du politique se posaient la question, à l’échelle de sociétés locales constituées, des limites des ressources environnementales et des conséquences de l’activité humaine sur la réduction des espaces de vie sauvage. Il s’agira de prendre comme point d’entrée à la discussion les significations émiques que pouvait revêtir la notion de fengshui par les textes susmentionnés. En deuxième point, nous proposerons un début d’analyse conceptuelle à l’aune de la pensée structurale granétienne sur les idées d’« ordre », de « total » et d’« efficace » apposées aux actions (dés)équilibrantes de l’humain dans son environnement.