Faire peur pour faire réagir. La dystopie comme fiction d’alerte

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24 mai 2024

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Valérie Stiénon, « Faire peur pour faire réagir. La dystopie comme fiction d’alerte », HAL-SHS : littérature, ID : 10670/1.gyavkk


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Centrées sur l’évolution négative et inquiétante d’un état de société qui fait écho à l’actualité, les dystopies sont des fictions du social particulièrement perméables aux discours et aux préoccupations du moment, qu’elles s’efforcent de prolonger par l’imagination. Ce sont également des fictions vraisemblables, qui font du réalisme leur matériau et leur horizon, contrairement à l’utopie qui s’ancre davantage dans une visée chimérique et idéalisée. D’ailleurs, les dystopies sont marquées par une forme de présentisme, selon lequel il s’agit non pas d’explorer le potentiel expérimental d’autres mondes, mais bien de s’ancrer dans la référence la plus immédiate et tangible. Ces caractéristiques en font des fictions proactives, dans un contexte où le genre est devenu mainstream, sériel et audiovisuel, désormais phénomène de société avec les lanceurs d’alerte et les survivalistes, atteignant même les manifestations militantes, qui font volontiers référence aux œuvres prototypiques d’Huxley et d’Orwell. Cela invite à envisager la dystopie comme une fiction d’alerte ayant potentiellement la vocation, vertueuse, d’éveiller les consciences. Ressaisi sous cet angle, le scénario dystopique ne doit pas se réaliser : on se raconte son histoire pour mieux l’empêcher de survenir, à l’inverse de la prophétie autoréalisatrice. C’est un mode tout à la fois de représentation, d’affirmation et d’engagement qu’il faut interroger. Il s’agira donc de déterminer comment fonctionne cette agentivité particulière de fictions proactives de mise en alerte qui explorent la part la plus anxiogène de notre rapport au monde. Pour cela, la communication examine un corpus littéraire francophone constitué sur le long XIXe siècle, permettant d’observer un socle de ressources poétiques et discursives partagé par les récits mêlés de réformisme social de la première moitié du XIXe siècle (Émile Souvestre, Le Monde tel qu’il sera, 1846), les romans hybridés à la vulgarisation scientifique dans la seconde moitié du siècle (Camille Flammarion, La Fin du monde, 1893) et les fictions de satire urbaine de la fin du siècle, comme la trilogie d’anticipation écrite et dessinée par Albert Robida. On ira jusqu’aux récits imaginaires du cataclysme de l’entre-deux-guerres (José Moselli, La Fin d’Illa, 1925 ; Jacques Spitz, La Guerre des mouches, 1938). À partir de cet échantillon varié mais représentatif des fictions contrefactuelles du pire, on s’efforce de mettre en évidence la portée pragmatique des dystopies, en observant ce qu’elles font à leurs publics (évocation, apostrophe, interpellation, mise en émoi) et quels horizons d’attente elles dessinent entre préservation et sauvegarde. Ce faisant, on cherche à déterminer la gradation des degrés d’investissement qu’elles programment, consistant à explorer, éprouver et expérimenter le réel. Certains procédés récurrents sont mobilisés à ces fins, tels que l’enchâssement narratif permettant le décalage et l’évaluation, les cautions accréditant la vraisemblance (témoignage, lettres, journal) et le statut d’un narrateur non fiable (explorateur limité, dépositaire contraint du reste l’humanité) qui offre un point de vue naïf, décentré et présentatif de la réalité future imaginée, entre reconnaissance et défamiliarisation.

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