2019
Cairn
Isabelle Mimouni, « Mais où est donc passé le mouchoir de Desdémone ? : Ou l’art de tirer le fil qui fait venir la pelote », L'Année balzacienne, ID : 10670/1.h09653
Mais où est donc passé le mouchoir de Desdémone ? C’est à cette question qu’on a tenté de répondre en relisant aussi bien des œuvres de jeunesse, Le Nègre et Wann-Chlore, que des œuvres intégrées à La Comédie humaine : Autre étude de femme, La Fille aux yeux d’or. Si ce mouchoir est absent des premiers textes, c’est sans doute parce qu’il n’apparaît pas dans les traductions dont dispose l’écrivain français. Cependant, après la représentation de la pièce traduite par Vigny dont on sait combien elle fit scandale, ce fameux mouchoir surgit dans les textes balzaciens qui prennent l’œuvre de Shakespeare comme référence plus ou moins affichée. Cet accessoire apparemment anodin peut être analysé comme un élément emblématique de l’œuvre de l’auteur de La Comédie humaine, il porte avec lui toute la symbolique héritée de Shakespeare (et c’est peu dire qu’elle a fait couler beaucoup d’encre) mais apparaît en même temps comme une des pièces à conviction qui sont gage d’historicité et font de Balzac un véritable archéologue de son temps : la mode des mouchoirs brodés de cheveux fut de courte durée et Balzac intègre comme naturellement ce phénomène à Autre étude de femme dont l’intrigue, fondée sur la jalousie maîtrisée de de Marsay, réserve un rôle majeur à un mouchoir brodé…