Inclusion, exclusion, stigmatisation: Les usages politiques des listes de noms sous la Révolution française, 1789-1795

Résumé Fr

En décidant de convoquer les États généraux en juillet 1788, Louis XVI ne tente pas seulement de résoudre la crise financière. Il est urgent pour lui de réaffirmer son autorité politique en rétablissant l'ordre au sein de la société et en rappelant qui est qui. La cérémonie d'ouverture des États généraux s'inscrit bien dans cette tentative de mettre fin à l'inquiétude liée au sentiment de brouillage des distinctions et au règne de l'incertitude, du masque, de l'hésitation qui semble alimenter la crise qui touche le Royaume de France. Cette tentative se heurte néanmoins à des nombreux obstacles qui se dressent contre la volonté royale de s'imposer comme l'instance exclusive et centrale de régulation et de désignation dans l'espace politique. Dans cette perspective, l'une des causes du conflit au printemps 1789 porte sur une affaire de publication d'une liste de noms propres : faut-il vérifier les pouvoirs selon les modalités de la société d'ordre, et donc séparément, ou établir une liste générale des noms propres classés par ordre alphabétique ? En cherchant à imposer une liste générale établie selon l'ordre alphabétique, les députés du Tiers affirment la fin des distinctions et l'émergence de la Nation. Dès la fin juin 1789, à la suite du discours du roi, certains députés de la noblesse rejoignent ceux de l'Assemblée nationale et la liste de leur nom est immédiatement publiée 1. La publication des listes de noms devient un instrument essentiel de la construction et des dynamiques de l'espace politique en Révolution. Elles connaissent un essor important qui peut donner l'impression que ces listes envahissent, voire saturent, l'espace public.