2015
Cairn
Pierre-Jean Luizard, « Conflits et religion : les cas de l’Irak et de la Syrie », Les Champs de Mars, ID : 10670/1.h4ejrf
Il est troublant de constater à quel point l’évolution de deux pays arabes ayant connu, l’un, l’Irak, une occupation étrangère, l’autre, la Syrie, un Printemps arabe, a abouti à une même fragmentation communautaire qui est avant tout confessionnelle, mais aussi ethnique. Comme si, dans les deux cas, l’enjeu représenté par la religion l’avait emporté sur les considérations démocratiques et l’émergence des sociétés civiles. La régionalisation de conflits communautaires internes à chaque Etat semble effacer les frontières. N’assiste-t-on pas à une revanche de l’Histoire avec des processus d’effondrement d’Etats qui ont en commun d’être des créations coloniales à la légitimité peu assurée et aux frontières artificielles ? Un siècle après, la trahison par les Alliés des promesses tous azimuts faites aux Arabes, aux Kurdes, aux Arméniens et aux Assyro-chaldéens, semble resurgir dans la violence. Les uns et les autres s’étaient vus promettre des Etats ou des foyers nationaux indépendants s’ils se soulevaient contre l’Empire ottoman dont ils dépendaient. On sait ce qu’il en sera… La régionalisation autour d’enjeux confessionnels du conflit en Irak, puis en Syrie, montre bien que la question de la légitimité des Etats est posée. Créations coloniales dans leurs frontières comme dans leur conception (sous la forme d’Etat-nations arabes inachevés), ils n’ont pas permis aux sociétés civiles d’échapper aux pièges du confessionnalisme. Car c’est bien aussi dans la relation verticale entre l’Etat et les sociétés civiles que peut prendre forme un terrain propice à une démocratisation.