2008
Cairn
Jacques Lorgnier, « Passez par la case prison. L'arrêt de corps dans la châtellenie de Lille, objet de conflits en 1603 », Revue du Nord, ID : 10670/1.h9kxji
L’affaire de l’arrêt de corps pour dettes, portée au Conseil privé à Bruxelles en 1603, a servi de prétexte à une bataille d’arrière garde menée par les officiers de la gouvernance pour restaurer dans la châtellenie de Lille une partie du pouvoir politique et juridictionnel que le prince leur avait confié. Primitivement, le gouverneur était capitaine général des villes et châtellenies de Lille, Douai et Orchies ; souverain bailli, il était juge provincial, juge des cas royaux privilégiés et juge ordinaire par-dessus tous les autres. Il lui appartenait donc de les tenir sous sa sujétion. Or, la pratique par l’échevinage de Lille des arrêts de corps entre manants de la châtellenie de Lille constituait une usurpation flagrante de la juridiction ordinaire. En ce début du xviie siècle, les bailli, prévôt et échevins de Lille revendiquaient même l’égalité et prenaient fait et cause pour leurs justiciables quand ces derniers avaient maille à partir avec la gouvernance. C’était, en effet, par privilège de la ville qu’ils faisaient procéder à l’arrêt de corps de débiteurs fautifs non bourgeois et ce privilège spécial tiré des coutumes de Lille avait, comme elles, fait l’objet de confirmations expresses par leurs Altesses, par exemple lors des joyeuses entrées. Une joute procédurale dura plusieurs années devant les juridictions supérieures, sans qu’aucune des parties ne prît significativement le dessus sur l’autre, quant à la légitimité et l’authenticité de leurs droits respectifs. À ce nouveau jeu, la gouvernance semble ne plus avoir fait le poids, sous la pression accentuée d’un échevinage certain d’être « en possession » de l’objet du litige. Forcée à la défensive, elle a sollicité délais sur délais pour tenter de répondre aux coups qui lui étaient portés sans relâche, à Bruxelles. La ville, quant à elle, avait pris grand soin de rassembler des preuves tangibles. Le volumineux dossier conservé aux archives anciennes de la ville de Lille, s’est brusquement arrêté là. Mais par la confrontation des arguments, point par point, comme a dû le faire le Conseil privé, et avec le recul, nous savons que l’issue ne fait guère de doute, et que nous avons bien affaire ici à un combat déjà perdu par la gouvernance, dont les officiers ont dû finalement « jeter l’éponge ».