16 novembre 2006
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Pascale Peyraga, « Les corps capricieux de Goya à Dalí », HAL-SHS : histoire de l'art, ID : 10670/1.hc7qqx
Les Caprichos de Goya métamorphosés par Dali en 1977 donnent lieu à une confrontation de deux imaginaires, s’imposant comme un parfait exemple du dialogisme bakhtinien: là où Goya se sert des corps pour révéler les vices cachés des hommes, Dalí se nourrit de cette corporéité pour conquérir le territoire caché de l’irrationnel ; là où Goya entend refléter une double réalité, Dalí réinvestit la complexité des gravures, et développe son activité paranoïaque-critique dans l’énoncé mixte des Caprices. L’hybridation se reproduit ad infinitum dans ce qui est, en réalité, un double iconotexte : les gravures goyesques étant non seulement accompagnées de titres, mais aussi de séries de commentaires d’origine variée, les Caprices de Dalí débouchent sur la création d’un système sémiotique complexe et s’imposent sous le signe de la polyphonie sémiotique et auctoriale. Devrions-nous dès lors nous demander à qui revient le mérite de cette hétérogénéité dynamisante ? A la forme même du Caprice, genre subversif s’il en est? Au délire imaginatif de Dalí, uniquement limité par le degré de capacité paranoïaque de sa pensée ? A l’art de Goya lui-même, servant, de nos jours encore, de réceptacle à d’autres imaginaires ? Créateur de monstres et monstre lui-même, il était dans la nature du peintre aragonais de s’excéder de la norme, d’abolir les frontières en tout genre, et de débrider les imaginaires de toute époque. Le produit des trois facteurs transgressifs conjoints, Goya, Dalí, le Caprice, ne pouvait jamais former qu’un monstre tricéphale.