2022
Cairn
Grégory Quenet, « Richard Grove et les multiples vies de Pierre Poivre », Dix-huitième siècle, ID : 10670/1.hdzn5a
Le livre de Richard Grove, Green Imperialism (1995), a marqué l’histoire environnementale et, au-delà, la compréhension des liens entre climat, environnement et Lumières. En faisant de l’Île de France sous la responsabilité de Pierre Poivre, commissaire intendant de 1767 à 1772, le laboratoire des théories de la dessiccation appliquées à la protection des forêts, Grove a déplacé les racines de l’environnementalisme géographiquement – des États-Unis des années 1870 aux périphéries coloniales du 18e siècle – et thématiquement – de la protection de la nature sauvage vers les politiques du climat. C’est ainsi que, en anglais, Poivre est devenu une figure centrale de l’histoire environnementale tandis qu’il restait largement ignoré des lecteurs de son pays d’origine.Cet article revient sur la réception du Pierre Poivre de Green Imperialism qui, dans les années 2000, est devenu le premier penseur du changement climatique global. Récemment, Jean-Baptiste Fressoz a montré les limites de cette thèse. Cet article montre comment cette lecture est en fait un retour plus fidèle au texte de 1995 qui accorde une importance réduite à la question climatique. S’ouvre alors une autre lecture de Pierre Poivre comme un acteur parmi d’autres d’une vaste nébuleuse des Lumières, à la croisée entre rivalités militaires et sciences. Cette écologie des Lumières, qui reste encore très largement à étudier dans son versant français, était centrée sur les rapports entre sol et cultures, dessinant tout un pan oublié de la conservation de la nature.