2013
Cairn
Jacopo Pasquali, « Symbolique de mort et de renaissance dans les cultes et les rites éblaïtes : dga-na-na, les ancêtres et la royauté », Revue d'assyriologie et d'archéologie orientale, ID : 10670/1.hhzpik
Dans les textes d’Ebla du IIIème millénaire av. J.-C. on cite plusieurs fois une déesse nommée d ga-na-na. Il est possible d’expliquer ce théonyme à travers le sém. occ. * gann-, “jardin ; cimetière”, de * gnn (et v.tes), “envelopper ; protéger”. C’est dans son “ventre”, symbole de mort et de renaissance, que les défunts trouvent leur protection. En effet la racine * gnn dans le verbe arabe ğanna signifie “être enveloppé” se référant au fœtus à l’intérieur de l’utérus, ainsi que le mot ğanīn- signifie toujours en arabe “embryon; fœtus”. Les défunts enterrés sont donc comme des embryons dans le ventre maternel, un concept répandu dans les croyances religieuses des civilisations préhistoriques de la Méditerranée, auprès desquelles la Terre-Mère était aussi vénérée en qualité de protectrice des ancêtres ensevelis dans ses entrailles pour renaître à nouvelle vie. Dormir à l’intérieur du ventre de la déesse signifiait mourir et revenir à la vie. On peut expliquer de cette façon l’origine des hypogées méditerranéens à partir du IVe millénaire av. J.-C. sur un territoire qui va de la Syrie-Palestine jusqu’au midi de la France. Par exemple dans la région d’Arles en Provence il y a beaucoup d’hypogées importants, dont le plus célèbre est celui appelé « Epée de Roland », où se renouvelait, avec un cycle éternel, la rencontre entre l’Homme et la Terre qui crée et protège ensuite après la mort. A Ebla, à l’occasion de l’intronisation et de l’“habillage” (cette dernière cérémonie avait lieu tous les ans après l’intronisation) des souverains chez le Mausolée de NE- na-áški, un des sièges des souverains défunts, il avait des rites en communion avec les ancêtres eux-mêmes et leur protectrice d ga-na-na, divinité qui protégeait donc la royauté éblaïte. On suppose que cette divinité féminine à côté du dieu des Enfers d ra-sa-ab était aussi préposée à la sauvegarde des enfants de lignée royale, si l’on considère certains passages des textes administratifs d’Ebla. On trouve encore plusieurs traces postérieures de tous ces rituels complexes, par exemple dans la Grèce ancienne et dans la Rome archaïque, comme l’archéologie et les récits des auteurs classiques en témoignent.