2014
Cairn
Jean-François Kahn et al., « Remontrances confraternelles », Médium, ID : 10670/1.hmnwz0
L’horreur médiatique ? C’est beaucoup dire. La thèse de Jean-François Kahn tient en une phrase bien frappée : « Les médias de partis ont fait peu à peu place aux différents organes du parti des médias. » Ce parti, comme les autres, véhicule des idées, mais le médiatisme est un syncrétisme, « dont les deux principaux ingrédients renvoient à un progressisme sociétal et à un conservatisme économico-social, quitte à virer libertaire ici et réactionnaire là. » Deux figures l’incarnent : Daniel Cohn-Bendit, qui en est la quintessence et (plus ambigu) Nicolas Sarkozy. Mais à la différence des partis politiques appelés à gouverner, le parti médiatique décline toute responsabilité. « On sait ce qu’ils rejettent, on ignore ce qu’ils préconisent exactement. » La cause de cette mutation ? La professionnalisation qui fait émerger un esprit de corps, une confraternité, qui produit elle-même « son propre ciment unificateur ». En conséquence, la forteresse médiatique ainsi bétonnée s’isole et se coupe de l’opinion, laquelle s’égare de son côté dans de toutes autres voies : celles du populisme, dénoncé de manière, « hystérique ». Qui châtie bien, aime bien. Cette critique en forme de remontrance fraternelle nous vaut des coups de chapeau (un peu trop appuyés ?) aux confrères. « Et, cependant, oui, l’univers médiatique recèle aujourd’hui plus de trésors de talents, de réserve de savoirs et d’inventivité qu’hier ; le courage n’y manque pas, l’honnêteté et la lucidité s’y appuient sur plus d’énergies potentielles, fussent-elles bridées, que dans le passé. » Avec un tel ennemi, on n’a pas besoin d’amis. Ce qui n’empêche pas JFK de conclure de manière à la fois optimiste et désabusée : « Ce n’est pas de l’extérieur que l’on parviendra à libérer la planète médiatique de l’attraction du pire. C’est de l’intérieur. Nous en sommes, nous, devenus incapables. Soit parce que complices, soit parce que découragés. Une nouvelle génération devra assumer cette mission : contre l’horreur médiatique, rétablir l’honneur médiatique. Elle y parviendra. » ( Paul Soriano)