2006
Cairn
Frank Tétart et al., « Juifs et Allemands d'ex-URSS : Des diasporas « russes » en Israël et en Allemagne ? », Le Courrier des pays de l'Est, ID : 10670/1.hn0q04
Si une forte émigration juive de Russie s’était déjà produite à la fin du XIXe et au début du XXe siècles, essentiellement vers les Etats-Unis, très peu vers la Palestine, la grande migration d’URSS, entamée après 1985, sous M. Gorbatchev, puis soudaine à partir de l’ouverture des frontières en 1990-1991, va d’abord suivre cette même direction, à la recherche du mieux-vivre, puis ensuite celle d’Israël, qui a su persuader les nouveaux émigrants de participer au règlement du «problème démographique». L’accueil, au fil des années, ne sera pas toujours à la hauteur des attentes. La société va en être modifiée à divers titres, du fait de la nature particulière de ces rapatriés, déjudaïsés, soviétisés et surtout russes de langue et de culture, même s’ils viennent du Caucase ou d’Ukraine. Partis juifs d’URSS, ils vont se retrouver Russes d’Israël. Dans le même mouvement, les «Allemands de Russie» (c’est pourtant au Kazakhstan qu’ils étaient les plus nombreux) vont rejoindre leur Vaterland, bénéficiant d’un statut privilégié, au nom du jus sanguinis. L’accueil sera pour eux plus que mitigé, en raison du coût de leur intégration, ajouté à celui de la réunification de l’Allemagne. Des quotas ont pourtant été instaurés pour qu’ils se retrouvent nombreux dans les Länder les plus riches. Mais le gouvernement va prendre des mesures limitant l’entrée des «Russes», et d’autres encore pour les motiver à rester en ex-URSS. Fin 2005, ces rapatriés étaient environ 1 million en Israël (plus 300 000 non-juifs, mais bien russes) et 2,5 millions en Allemagne (dont un grand nombre de non-Allemands «ethniques», eux aussi bien russes). Après un retour indispensable sur l’histoire de ces deux peuples, les auteurs montrent le cheminement, dans des contextes très différents, de leur intégration, qu’elle soit matérielle, professionnelle ou linguistique, et ce malgré les fortes aides publiques. Leur russité est si forte, à travers leur attachement à la langue, à leur culture et à leur ancien mode de vie et de fonctionnement, qu’ils sont maintenant «d’origine russe» aux yeux de leurs compatriotes, avec souvent le mépris que cela suppose. Cette altérité les fait s’organiser pour défendre leurs intérêts en Israël : ils ont même formé des partis «russes » qui influent sur les choix politiques, comme sur la laïcité, et contribuent, avec d’autres groupes, à rendre plurielle une société uniforme à l’origine.