2008
Cairn
Riccardo Chiaradonna, « Hylémorphisme et causalité des intelligibles. : Plotin et Alexandre d'Aphrodise », Les Études philosophiques, ID : 10670/1.hq44vs
Hylémorphisme et causalité des intelligibles. Résumé — En Enn., VI, 3 [44], 5, Plotin fait usage de doctrines péripatéticiennes concernant la substance, l’inhérence et la prédication. Ces doctrines correspondent de manière frappante à l’interprétation anti-extensionaliste de la substance physique développée par Alexandre d’Aphrodise contre les thèses des commentateurs plus anciens (notamment Boéthos de Sidon). Le parallèle entre Plotin et Alexandre ne doit cependant pas conduire à penser que Plotin se borne à suivre les thèses du commentateur, et que leurs doctrines soient donc identiques. Plotin vise plutôt à transposer les principes de l’hylémorphisme d’Alexandre dans un contexte philosophique différent, fondé sur des prémisses métaphysiques qui portent sur la causalité des substances intelligibles. Comme Plotin le montre en VI, 3 [44], la forme hylémorphique n’est en effet pas substance : elle s’identifie à un amas de qualités accidentelles qui dépendent d’une essence véritable et extra-physique, le logos. On parvient à des conclusions analogues si l’on aborde la discussion de la causalité démiurgique chez Alexandre et Plotin. Les deux auteurs adressent des critiques approfondies au modèle artisanal de la causalité (ce qui est très surprenant pour le platonicien Plotin). Il n’est pas invraisemblable que les thèses d’Alexandre d’Aphrodise aient joué un rôle dans la genèse de la doctrine plotinienne de la causalité. Il faut cependant remarquer, encore une fois, que le cadre conceptuel dans lequel s’inscrivent les critiques de la causalité démiurgique chez Alexandre et chez Plotin est très différent. Pour Alexandre, la causalité démiurgique est rejetée en faveur d’une doctrine cosmologique de la finalité, qui rattache les récurrences naturelles (la régularité des processus de génération et de corruption, l’existence continue des espèces sublunaires) aux mouvements cycliques des astres. Pour Plotin, en revanche, l’ordre naturel s’explique par l’action de principes extra-physiques et sa critique de la causalité démiurgique ne se comprend qu’à l’intérieur de la doctrine de la causalité des êtres intelligibles.