2004
Cairn
Gilles Feyel, « Renaudot et les lecteurs de la Gazette, les « mystères de l'État » et la « voix publique », au cours des années 1630 », Le Temps des médias, ID : 10670/1.hqw9di
Alors que les historiens médiévistes mettent en évidence les expressions d’une véritable opinion publique au temps des rois Valois, faut-il continuer à refuser son existence au cours des années 1630 ? En ce premier xviie siècle, les « mystères de l’État » n’empêchent pas les bons esprits de s’interroger sur les « affaires du temps », même s’il est peu convenable d’en débattre en public. Après les guerres de religion, l’État se réserverait la scène publique où il interdirait tout débat politique, mais laisserait les « particuliers » libres de tout jugement dans la seule sphère privée de leurs cabinets. Cette répartition des rôles est encore mal observée, si l’on en juge à la querelle littéraire du Cid, une querelle de particuliers envahissant l’espace public, pris à témoin. Les différentes préfaces de Renaudot montrent qu’il a parfaitement saisi la scission public/particulier. Mais la Gazette, intégrée dans l’espace public, lue tout autant dans cet espace que dans l’espace privé, s’adresse à un lecteur capable de « jugements » et de « censures », c’est-à-dire d’appréciations critiques et sur le travail du gazetier et sur les actions des rois et des princes. Cette diversité de jugements individuels qui finissent par s’additionner, contribue à la formation de la « voix publique », de l’« opinion commune ».