28 mai 2024
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Léo Pinguet, « Images flottantes du bonheur et cinéma reaganien », Plateforme d'Édition de REvues Numériques PEREN, ID : 10.54563/demeter.1499
Fin du xviiie siècle, Emmanuel Kant destitue l’Idéal du bonheur et du beau. En cause, leur indétermination et leur vocation fatale au vague de l’imagination plutôt qu’au défini de l’entendement. N’en demeure dès lors plus que des prototypes, des images, écrivait Kant, qui flottent entre les intuitions individuelles. Fin du xxe siècle, en pleine vogue post-moderne, Gilles Deleuze circonscrit un nouvel ennemi, pour la philosophie et pour notre croyance au monde : les clichés. Il les décrit alors, lui aussi, comme des images flottantes, anonymes, qui désormais parcourent le monde et constituent les mondes intérieurs de chacun. À la même époque, l’Amérique et son cinéma réinstaurent un nouveau prototype du bonheur, nostalgique des Fifties, emblématisé par le spot télévisé pour la réélection de Ronald Reagan, Morning in America (1984). Le spectre de ces images nous hante, jusqu’à aujourd’hui où le rêve néo-libéral des Eighties règne toujours. Le diagnostic posé, l’article propose une modeste séance d’exorcisme en faisant appel à deux autres films de l’époque : RoboCop (Paul Verhoeven, 1987) et Blue Velvet (David Lynch, 1986). Chacun propose une variation singulière d’un complexe fantasme-pulsion de nos images du bonheur, un reflet déformé, un autre usage des clichés du bonheur qui, c’est l’hypothèse soutenue, nous invitent non à les critiquer ou les juger comme Kant l’aurait proposé, mais comme l’a suggéré Deleuze, à les sentir autrement, avec l’espoir de nous ressaisir d’un peu de notre imaginaire et d’un soupçon de bonheur.