2024
Nathalie Hervé-Fournereau, « L’urgence Biodiversité dans la tourmente. Le récit pathétique du futur règlement de l’Union européenne sur la restauration de la nature », HAL-SHS : droit et gestion, ID : 10670/1.hvvc28
Au fil des évaluations scientifiques sur l'état de la planète, les allocutions du secrétaire général de l'ONU, Antonio GUTTERRES, expriment l'urgence de changements radicaux. « L'humanité a un choix : coopérer ou périr. C'est soit un Pacte de solidarité climatique soit un Pacte de suicide collectif ». « Nous faisons la guerre à la nature (…) il est urgent de faire la paix. Parce qu'aujourd'hui nous ne sommes pas en harmonie avec la nature. » L'étendue spatio-temporelle et la gravité des atteintes environnementales sont inédites et fragilisent les conditions d'habitabilité de la planète. Les conclusions du GIEC et de l'IPBES convergent et partagent le diagnostic de l'urgence écologique. 75% de la surface terrestre et 66% des océans sont exposés à des pressions croissantes avec 25% d'espèces très menacées 5. Les prévisions d'exploitation exponentielle des ressources naturelles à l'horizon 2050 démontrent l'insoutenabilité socioécologique de notre modèle européen de développement. Six des neuf limites biogéophysiques du système terre seraient dépassées 6 mettant en péril the « safe operating space for Humanity ». De même, aucun des 140 pays étudiés par Doughnut Economics Action Lab ne vivrait dans cet espace de sécurité écologique et de justice sociale . L'Union européenne n'échappe pas à ces constats alarmants de déclin et de dégradation accélérée de la biodiversité. Certes, son réseau Natura 2000 constitue le plus grand réseau mondial d'aires protégées 9. Toutefois en dépit des directives oiseaux (2009/147/CE 10) et habitats naturels (92/43/CEE), 81% des habitats, 39 % des oiseaux et 63% des autres espèces d'importance communautaire protégées sont dans un état de conservation médiocre ou mauvais. De même, seuls 38% des eaux de surfaces sont en bon état chimique et 40% desdites eaux sont en bon état écologique ou en bon potentiel écologique attestant du respect insuffisant de la directive-cadre 2000/60/CE sur l'eau. L'empreinte biodiversité des modes de production et de consommation dépasse les frontières européennes. La contribution de l'UE et ses États membres à la déforestation tropicale serait ainsi estimée à 19 % en raison de leur consommation d'huile de palme, de soja, de bétail, de bois, de cacao et de café. Ainsi si l'urgence d'actions en faveur de la biodiversité est déclarée par l'UE (I), force est de déplorer la tourmente dans laquelle cette urgence biodiversité s'est retrouvée malmenée cette année 2023. Le récit pathétique du futur règlement sur la restauration de la nature illustre l'ampleur des contradictions et désenchantements sombres pour la démocratie européenne et le Pacte vert pour l'Europe (II).