21 novembre 2017
https://www.openedition.org/12554 , info:eu-repo/semantics/openAccess
Valeria Gramigna, « Violaine Schwartz: solitude en écho », Quodlibet, ID : 10670/1.i24yki
La tête en arrière (P.O.L, 2010), premier roman de Violaine Schwartz, démarre par une fausse note. Alors que la protagoniste – une jeune chanteuse – perd sa voix suite à un trou de mémoire en plein concert –, l’écrivaine trouve la sienne, échangeant une chanson contre une autre, plus singulière. Ce trou est aussi un trou du texte – nombreux sont les espaces blancs sur la page – ce qui engendre une situation de perte, d’isolement, de solitude de la narratrice ainsi que de sa parole qui va s’affaiblir dans le cadre d’une syntaxe en train de se décomposer, mais qui en même temps déborde sur la page par la multiplication de segments d’écriture, de plus en plus brefs, essentiels, soulignant les avantages d’être seul. Enfermée en elle-même, prisonnière de sa voix intérieure qui ne s’arrête jamais, la jeune femme engage à sa façon un monologue (où le «je» autarcique est remplacé par un soliloque fragmenté à la deuxième personne) à la fois comique et bouleversant qui va quand même la ramener sur les traces d’elle-même. Dans cette “solitude de la parole”, il s’agit d’étudier comment la “parole empêchée” permet sinon d’atteindre le moi perdu, au moins de ne pas rater les fragments d’un moi éclaté. L’absence de la parole génère une prolifération de la parole pensée et une narration qui se dégage en échos, par la multiplication des images via l’utilisation particulière du mot. “Nouvelle”, cette solitude l’est dans sa normalité car, loin d’aboutir à l’abandon ou à une forme de détresse proche de la mort, elle invite à se débrouiller pour rester sur la brèche.