L'accès des femmes à la magistrature en Turquie : entre féminisation et poids des traditions

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18 avril 2023

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Gulsen Yildirim, « L'accès des femmes à la magistrature en Turquie : entre féminisation et poids des traditions », Trajectoires Humaines Transcontinentales, ID : 10.25965/trahs.5164


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Jusqu’à l’avènement de la République turque en 1923, l’emprise de la religion dans l’exercice de la fonction de juge était un facteur d’exclusion des femmes. Dans cette configuration, tous les rites principaux musulmans écartaient la femme de la fonction, sauf quelques rares exceptions. C’est pourquoi, l’accès des femmes turques à la magistrature interviendra dans un contexte de rupture avec le droit musulman et de sécularisation de la société portée par la révolution d’Atatürk, créateur de la République. C’est ainsi qu’à la fin des années vingt, les premières femmes deviennent magistrates, avant même qu’elles obtiennent le droit de vote qui interviendra en 1934 et bien avant les femmes françaises. Toutefois, passé le symbole, la féminisation de la magistrature est un phénomène relativement récent. C’est principalement à partir des années 2000 qu’elle connaît une accélération sensible. Aujourd’hui, sur 22820 juges dans toute la Turquie, 8326 sont des femmes. Ces dernières représentent 36,5 % alors qu’en 2012, on comptait seulement 3020 femmes dans la magistrature sur 12201 (c’est-à-dire 24, 2 %). Leur nombre a donc plus que doublé en une décennie. Cette progression de la féminisation de la magistrature turque, due à de multiples facteurs dont la féminisation des études de droit et la création de nombreux postes de magistrats qui a ouvert de nouvelles opportunités pour les femmes, suscite encore aujourd’hui des réactions assez paradoxales. D’un côté, la présence de femmes ne devrait, en théorie, pas poser de problème en raison de la neutralité même du juge, symbolisée par le port de la robe. D’un autre côté, l’emprise des mœurs dans un pays fortement marqué par la religion explique que, dans la justice, il y a des fonctions implicitement réservées aux femmes et surtout compatibles avec leurs obligations familiales. C’est ainsi qu’à peine 16 % des procureurs sont des femmes et les postes hiérarchiques sont généralement exercés par les hommes. L’étude de la manière dont les femmes ont pris leur place dans la magistrature turque et des stratégies d’exercice qu’elles ont pu développer face à une société imprégnée de codes patriarcaux doit permettre de mieux cerner cette ambivalence entre une banalisation de la place occupée par les magistrates aujourd’hui et ses particularités. Ce sujet, qui n’en est qu’à ses prémices, mérite certainement des études complémentaires et plus régulières.

Until the advent of the Turkish Republic in 1923, the influence of religion in the exercise of the function of judge was a factor in the exclusion of women. In this configuration, all the main Muslim rites excluded women from office, with a few rare exceptions. This is why the access of Turkish women to the judiciary will take place in a context of rupture with Islamic law and the secularization of society brought about by the revolution of Atatürk, creator of the Republic. Thus, at the end of the 1920s, the first women became magistrates, even before they obtained the right to vote in 1934 and well before French women. However, past the symbol, the feminization of the judiciary is a relatively recent phenomenon. It was mainly from the 2000s that the phenomenon experienced a significant acceleration. Today, out of 22,820 judges in all of Turkey, 8,326 are women. The latter represent 36.5 % whereas in 2012, there were only 3,020 women in the judiciary out of 12,201 (24.2 %). Their number has therefore more than doubled in a decade. This progress in the feminization of the Turkish judiciary, due to multiple factors including the feminization of law studies and the creation of numerous magistrate positions which has opened up new opportunities for women, still arouses rather paradoxical reactions today. On the one hand, the presence of women should, in theory, not pose a problem because of the very neutrality of the judge, symbolized by the wearing of the robe. On the other hand, the influence of mores in a country strongly marked by religion explains that, in justice, there are functions implicitly reserved for women and above all compatible with their family obligations. Thus, barely 16 % of prosecutors are women and hierarchical positions are generally held by men. The study of the way in which women have taken their place in the Turkish judiciary and the exercise strategies that they have been able to develop in the face of a society imbued with patriarchal codes should make it possible to better understand this ambivalence between a trivialization of the place occupied by magistrates today and its particularities. This subject, which is only in its infancy, certainly deserves additional and more regular studies.

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