8 mars 2022
http://creativecommons.org/licenses/by-nc/
Yvon Plouzennec, « L’expert, les maquettes et l’architecte. Le conflit social dans les archives des greffiers des bâtiments de Paris au XVIIIe siècle », HAL-SHS : histoire, ID : 10670/1.i744yx
Les procès-verbaux des greffiers des bâtiments de Paris sont généralement des archives factuelles et austères. Souvent régis par un contexte judiciaire, ils « doivent être conformes à la vérité, contenir le détail clair et précis de toutes les circonstances essentielles, & la mention graduelle de tout ce qui s’est passé dans l’ordre des temps » (Guyot, 1785). Le greffier commis à la transcription d’une expertise ne saurait donc se permettre une quelconque désinvolture dans la manière d’établir son rapport. Il arrive pourtant que la trame formelle rigide, propre à ces procès-verbaux, laisse transparaître une « trace brute de vies qui ne demandaient aucunement à se raconter ainsi » (Farge, 1989). Cette étude de cas porte sur l’un de ces témoignages spontanés, survenu lors de la visite des modèles de menuiserie de l'église cathédrale de Senlis, commandés par l’architecte Jean-Jacob Guerne (1748-1797) au maître menuisier Antoine Maréchal. Cette expertise, menée par Pierre-Marie Giraud le 26 juin 1786, s’avère être l’expression des tensions latentes qui opposent les architectes aux artisans à la fin de l’époque moderne. Pour l’historien contemporain, cette source constitue un apport essentiel pour appréhender le processus d’affirmation d’une profession dont l’exercice n’est encadré par aucune structure juridique spécifique. Livrée à une audience publique limitée – strictement institutionnelle –, cette trace de vie constitue en effet le pendant des témoignages privés – contenus dans les correspondances et les journaux intimes –, mais également des manifestes publics qui émanent d’éditions imprimées largement diffusées.