2007
Cairn
Mechthild Veil, « L'individualisation des droits dans l'assurance vieillesse : débats et axes de réforme », Retraite et société, ID : 10670/1.i8aa5p
La politique de l’Union européenne associe l’avenir de la protection sociale à l’objectif d’égalité entre les sexes et aborde à cet égard la question de l’individualisation des droits sociaux, qu’elle met en relation avec le modèle du ménage à deux salaires (adult worker model). Partant du principe que le degré et l’intensité de l’individualisation des prestations sociales dépendent de la configuration du régime de protection en vigueur (Esping-Andersen), cette étude explore l’individualisation amorcée par la réforme du droit allemand des retraites de 2001, avec l’introduction du partage des droits à pension en substitution à la pension de réversion traditionnelle. Cette réforme avait pour objectif de transformer les droits dérivés en droits personnels pour le conjoint survivant. Après avoir présenté les différences entre la pension de réversion et le modèle de partage des droits, cette contribution cherche à déterminer dans quelle mesure la réforme a effectivement renforcé l’individualisation. Le résultat est qualifié «d’individualisation incomplète»: d’un côté, dans le modèle de partage des droits, le survivant conserve les droits à pension acquis, même s’il se remarie, alors qu’avec la pension de réversion, ces droits disparaissent en cas de mariage avec un nouveau «chef de famille». Cette nouvelle conception repose sur la logique des droits à pension personnels. D’un autre côté, le partage ne conduit qu’à une redistribution des droits acquis au sein du couple (marié), ce qui ne peut pas être considéré comme de l’individualisation. Cet article se termine sur une proposition visant à aboutir à une individualisation complète, qui se distingue des stratégies néolibérales de suppression de la pension de réversion sans compensation: si l’on veut que les stratégies d’individualisation débouchent sur plus, et non sur moins, de droits pour les femmes, il faut que ces dernières puissent également acquérir des droits sociaux sur la base de leurs activités familiales non rémunérées (care en anglais), perspective encore peu développée sur le plan théorique.