29 novembre 2015
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Baptiste Viaud, « L'invention du contrôle médico-sportif en France. Entre protection de la jeunesse et contrôle des fédérations sportives, retour sur le développement d'une "médecine préventive" », HAL-SHS : sociologie, ID : 10670/1.i911rw
En 2005, lorsque le député Olivier Jarde plaide en faveur de la « nécessaire revalorisation » d'une médecine du sport qu'il juge peu reconnue sur le plan académique, sont invoqués de concert la « croissance exponentielle des dépenses de santé » et les « 26 millions de sportifs pratiquants ». De tels arguments en disent long de la représentation politique d'un exercice médical pourtant hétéroclite, la médecine du sport est et doit être une médecine préventive. Si des branches de la médecine se sont emparées de l'objet sportif au point de circonscrire des ensembles de savoirs et de pratiques suffisamment spécialisés pour être spécifiquement désignés-la traumatologie du sport, la cardiologie du sport-il n'en demeure pas moins que la médecine du sport est immédiatement associée à l'examen médical qui aboutit (ou non) à la signature du certificat de non contre-indication à la pratique du sport. Cet examen assigne « l'homme de l'art » à un travail médical sur l'homme sain, a priori bien portant, et condamne en cela cette médecine à occuper une position subalterne dans la hiérarchie des spécialités médicales. Le rapport parlementaire d'Olivier Jarde parle à ce titre de « discipline introuvable », pour qualifier une médecine de contrôle, qui s'impose à une foule de pratiquants sportifs et est en cela « connue de tous », mais qui -paradoxalement- souffre d'un manque criant de reconnaissance académique. Il s'agira, dans ce chapitre, de revenir sur les conditions qui ont présidé à la construction d'un tel exercice, au milieu du 20 ème siècle. Au bénéfice d'un travail politique de mise en forme administrative d'un exercice entièrement dédié au contrôle, au dépistage et à l'hygiène, les financements publics, rendus légitimes par la volonté d'encadrer la jeunesse et de contrôler les fédérations, assurent en effet à cette médecine du sport des années 1950 une toute nouvelle audience sur le territoire national et en font une « médecine de la collectivité ». C'est là tout le paradoxe ; la médecine du sport obtient enfin de l'Etat les moyens qu'elle réclame depuis 30 ans et devient visible, mais la focale portée sur sa dimension préventive la condamne à occuper une position dominée dans l'ordre des prestiges professionnels au moment même où le champ médical français s'inscrit dans un processus de spécialisation.